35 ans après le premier film Blade Runner, Blade Runner 2049 est-il à la hauteur ?

Blade Runner 2049 – Sony Pictures Releasing France – 2017
Synopsis : En 2049, la société est fragilisée par les nombreuses tensions entre les humains et leurs esclaves créés par bioingénierie. L’officier K est un Blade Runner : il fait partie d’une force d’intervention d’élite chargée de trouver et d’éliminer ceux qui n’obéissent pas aux ordres des humains. Lorsqu’il découvre un secret enfoui depuis longtemps et capable de changer le monde, les plus hautes instances décident que c’est à son tour d’être traqué et éliminé. Son seul espoir est de retrouver Rick Deckard, un ancien Blade Runner qui a disparu depuis des décennies.
A la fin de la projection de Blade Runner 2049, un silence de quelques secondes se propagea, commun aux films qui ne donnent le choix qu’à deux possibilités, celle d’avoir été complètement embarqué dans l’univers futuriste (mais pas si lointain) du réalisateur, ou celle d’être passé complètement à coté à la fois du scénario ou des métaphores visuelles. On pourra noter ainsi, au moins dans la forme critique, qu’il se rapproche là de certains films comme 2001, l’ Odyssée de l’espace, Citizen Kane, ou encore Blade Runner.
Soyons francs, ceux qui n’ont pas vu le premier Blade Runner partiront avec une balle dans le pied à la découverte de ce second opus (mais est ce bien un second opus ou un prolongement direct de l’œuvre ?), tant les références au chef d’œuvre de Ridley Scott sont nombreuses : dans le scénario bien évidemment, mais plus encore dans la philosophie très cynique du film (bonjour Donald Trump et le réchauffement climatique), dans le storyboard, les découpes de plans, le montage, le rythme … Tout rappelle le premier opus ou plutôt lui rend hommage. Il est clair que Villeneuve a fait de Blade Runner son œuvre de ‘ vocation ‘ et sa bible de cinéma absolue, il en connait chaque détail à la perfection, et ce Blade Runner 2049 est un délice pour tous ceux (et ils sont nombreux) qui voient également en Blade Runner ( 1991 ) le premier film du 21ème siècle.
Pour ceux néanmoins qui sont passés à coté de l’œuvre futuriste de Scott (ou qui ne l’ont pas vu), il est probable que les yeux soient moins émerveillés que d’autres à la sortie de la salle. Dès les premières minutes du film, le spectateur est frappé par le travail minutieux accordé au son du film. Celui ci est à voir absolument en salles de cinéma, et pourrait à lui seul être emblème de la plaidoirie Cinéma VS Télévision. Le plan d’entrée du film est principalement basé sur le son, puissant, en constante évolution pendant 2 minutes avant les premières images exceptionnelles, là où le public est déjà psychologiquement apte à pénétrer dans l’univers de Villeneuve. Ce travail sur le son est flagrant même pour les oreilles non averties et place le film en bonne place dans la course technique aux Oscars (et s’il n’y avait que le son …).
Le film est le voyage introspectif de Ryan Gosling, dans l’univers de Blade Runner et non l’univers de Blade Runner faisant voyager Ryan Gosling (nuance importante). Il s’agit de son histoire, dans laquelle viendront s’emboiter les autres et notamment celle d’Harrison Ford. Son personnage n’apparait d’ailleurs qu’au bout de la première heure, jouant ainsi avec une attente déjà utilisée Par JJ Abrahams dans son Star Wars : on a presque oublié que son personnage devait apparaitre et on en est presque surpris.
Le personnage principal du film est bien incarné par Ryan Gosling, n’en déplaise à la stratégie commerciale du distributeur nous vendant un duo à l’Arme Fatale. Harrison Ford n’a que quelques séquences dans le film, mais y offre une performance puissante, sobre et particulièrement émouvante, notamment dans le dernier plan du film, nul doute que ces séquences là sont une lettre d’amour du réalisateur à l’acteur. Il y est sublimé tel le monstre sacré qu’il est et joue presque en majesté sur l’écran. Force est de constater également que l’alchimie entre Gosling et Ford, comme un passage de témoins, saute aux yeux dès la rencontre, aidée par une mise en scène (comme dans le premier film) donnant aux acteurs le temps de jouer, quitte à ennuyer ceux qui seraient en quête d’action constante. Les scènes prennent leur temps, les dialogues sont ainsi joués dans toute leur puissance, les plans séquences sont également là (étrangement pour ce genre de film) et confinent au sublime. Si sublimes qu’on a très envie d’acheter le storyboard dès la sortie de la projection, même ceux qui n’ont jamais lu de storyboard de leur vie.
La philosophie flotte en maitre sur toute la longueur du film, la plus évidente évidemment concernant l’homme VS l’homme (écosystème) mais beaucoup d’autres thèmes sous-jacents pourraient très bien être étudiés sur le long terme : amour, sexe, paternité. Nul doute que Blade Runner 2049 fera date. Trop tôt encore pour savoir s’il fera mouche aux box offices et tel Coppola avec le Parrain 2 prouvera qu’une suite peut être aussi réussie (voire plus) que l’originale. De quoi faire réfléchir Spielberg et Ford en préparation du dernier Indiana Jones.
Blade Runner 2049 devient à lui seul l’emblème d’un nouveau courant de réalisation, de jeu, de montage, et de construction narrative (le public doit laisser ses habitudes et attentes de spectateurs au placard). Attention néanmoins à ne pas aller voir ce film en étant sûr d’aller assister à un chef d’œuvre, c’est généralement là que la déception pointe, car ce chef d’œuvre là ne ressemble pas aux autres, c’est un ‘ chef d’œuvre in disguise ‘. Il faut revoir le film original, choisir un cinéma alentour ou le son est le plus parfait, aller le voir seul, éteindre son portable et rester concentré par l’histoire car même cinq secondes déconcentré et le film peut être perdu. Car après tout lorsqu’on parle de grands films, on en parle comme de grands vins, il faut en savoir apprécier la dégustation, dans la forme, pour ne pas rater une miette du fond
10/10
Article rédigé par Kevin Elarbi
Bonjour. Pas un chef-d’oeuvre, mais pas non plus une « suite » indigne. On peut être soulagé de ne pas se retrouver avec un autre Prometheus. Villeneuve s’approprie l’univers du premier film en y injectant son style visuel (ces images froides, cette photographie parfois grise et laiteuse) et ses propres thèmes (recherche de ses origines, incertitude de sa place, thème de la filiation), ce qui fait que le film fait autant penser à Incendies du même Villeneuve qu’au Blade Runner de Scott. Blade Runner 2049 donne une vision très angoissante du futur. D’accord avec toi pour dire que les scènes entre Ford (émouvant) et Gosling (j’ai des réserves sur son interprétations) fonctionnent bien. Et tout ce qui a trait à l’amour de K pour sa femme virtuelle Joi est réussi. Mais je regrette l’ajout de thèmes et de pistes narratives (révolte des esclaves, messianisme) qui relèvent plus de Dune de Frank Herbert que de Blade Runner et rendent l’ensemble un peu indigeste à la fin. J’ai moi aussi chroniqué le film (ainsi que le premier Blade Runner) sur mon blog où je développe mon avis et analyse le film.
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