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Rencontre avec Brian Cox, acteur de la série Succession

C’est lors du Festival Séries Mania Lille Haut-De-France 2018, que nous avons pu rencontrer Brian Cox, l’interprète de Logan Roy dans la série Succession, présentée en avant-première mondiale lors de l’ouverture du festival. La série est disponible en France dès le 4 juin en US+24 sur OCS City.

Quelles ont été vos impressions à la lecture du scénario ?

Brian Cox : J’ai trouvé ce rôle intéressant. C’est un homme dur, brutal. Ensuite, vous réalisez qu’il possède également une forme de sagesse. Enfin vous comprenez qu’il faut avoir les épaules solides pour affronter le monde dans lequel il évolue. Ce n’est pas un monde qui tolère la moindre faiblesse, et particulièrement quand vous êtes à la tête d’un empire comme lui. Je l’ai imaginé comme une version d’un Roi Lear, avec des qualités similaires, de mêmes traits de caractère. Il possède une autre facette avec ses enfants, il s’inquiète pour eux, dans leur relation par rapport au monde. Il finit par se rendre compte que ses enfants ne sont peut-être aussi bien armés qu’il le pensait. Alors, il y a cet élément parental qui entre en compte, il ressent l’obligation de prendre soin de ses enfants. Mais il est un père dur, autoritaire, qui leur enseigne à la dure. Je pense qu’il réalise qu’il ne s’est pas assez occupé de ses enfants, qu’ils sont encore beaucoup trop vulnérables et qu’il cherche à les protéger.

C’est un excellent rôle, il faudrait être inconscient pour refuser un tel rôle dans une telle série. Je n’ai pas eu besoins de réfléchir pour accepter, je suis même reconnaissant de me voir proposer ce personnage. J’ai pu essayer des choses que j’adore : un jeu neutre, sans surenchère, tout en gardant une part de mystère. Il est comme un iceberg, on voit la partie émergée et on finit par se rendre compte qu’il existe également une large part immergée.  Il est un enfant d’immigré, il a été victime d’abus quand il était petit, il a été battu, tout ça a construit le personnage, lui a donné sa raison d’être.

J’ai vu un formidable documentaire sur Elvis sur HBO. La chose incroyable avec Elvis, ce que beaucoup ne réalise pas, c’est pourquoi il est mort. Il est mort parce qu’il travaillait trop dur, parce qu’il avait peur de finir pauvre, une phobie de la pauvreté. Quand sa carrière d’acteur fut terminée, il enchaînait les concerts, travaillait toute la nuit. Il ne dormait probablement pas assez et pas bien parce qu’il était obsédé par le travail, par cette peur de finir pauvre. J’ai un peu utilisé cela pour Logan : la peur de ne pas réussir, de recommencer à zéro. Alors il est protecteur avec ses enfants, trop protecteur.

Vous avez eu d’autres inspirations, hormis Elvis ?

Brian Cox : Non (rires) ! En réalité, vous êtes inspiré par tout un tas de choses différentes. Stephen Hawking par exemple. Il incarne le parfait exemple de la puissance de l’esprit. Son corps ne fonctionnait plus du tout mais son cerveau était capable de choses incroyables ! Il était un homme qui a été défait par son propre corps et qui a compensé en utilisant son cerveaux. Logan a souffert d’une hémorragie cérébrale mais il en ressort plus fort en réalité. C’est un peu l’effet opposé, comme si cet incident lui apportait une forme de clarté. Et il revient plus affûté qu’il ne l’était auparavant. Ce n’est pas comme les séquelles d’une attaque, qui, en fonction de l’endroit du cerveau atteint, peut vous faire perdre la parole ou des fonctions motrices. Cette hémorragie peut être vue comme une métaphore d’un espace soudainement libéré, comme une sorte de reboot.

On pourrait comparer la série avec la vie de Rupert Murdoch ?

Brian Cox : Je ne pense pas que sa vie soit aussi confuse et mouvementée que celle des Roy ! C’est une comparaison évidente mais je ne suis pas certains qu’elle soit particulièrement viable. Bien sûr, il existe des similitudes, avec Conrad Black, Rupert Murdoch, Citizen Kane… Ils représentent tous des figures importantes de l’industrie des médias. Mais je ne pense pas que les enfants de Murdoch soient tous aussi dysfonctionnels que ceux de Logan.

La série oppose des tons parfois différents…

Brian Cox : La série peut être drôle parfois mais elle est aussi sauvage, hystérique. Elle est très anglaise quelque part. C’est quelque chose que l’on retrouvait dans The Thick of It, sur laquelle Jesse Armstrong a travaillé avec Armando Iannucci, un ton que l’on retrouve dans The Death of Staline [réalisé par Iannucci, NdR]. Jesse Armstrong a ensuite développé ce style dans une version plus domestique, plus drama familiale, tout en conservant ce sens de l’ironie bien particulier. L’humour est très noir, avec beaucoup d’ironie. La première fois que l’on voit Logan, il est aux toilettes. C’est une idée très simple mais elle est tellement significative du ton de la série et ce qu’elle va développer.

Elle est si bien écrite ! Il y a une majorité d’autrices anglaises, cela apporte une culture supplémentaire. Et ce qu’il y a de particulièrement gratifiant, c’est de voir les auteurs croire au pouvoir de l’improvisation. Cela nous donne une liberté autour du texte… toute la série bénéficie de cette liberté. Même le réalisateur ! Dans un premier temps, nous filmons la scène telle qu’elle est écrite. Ensuite, nous essayons une autre manière de la jouer, une autre manière de la filmer. Cela apporte une autre dimension au tournage, quelque chose d’unique où l’on peut bénéficier du potentiel de chacun.

Succession parle d’une famille très dysfonctionnelle, étirée par des questions de pouvoir ou d’argents…

Brian Cox : C’est une histoire de notre époque, une histoire moderne. Nous vivons une période où les écarts s’agrandissent, la distinction entre les riches et les pauvres est si vaste aujourd’hui. Et les médias, bien sûr, n’aide pas à combler cet écart, au contraire, ils l’exploitent. Les médias se comportent de façon irresponsable, ont perdu leur intelligence. Logan est tiraillé entre deux mondes : l’aspect visionnaire des débuts et le côté plus pragmatique du présent. Il voit ses enfants comme les victimes de ce nouveau monde, à l’image d’un Trump : ils sont inexpérimentés et n’ont aucun sens de la vie réelle.

Ils pensent qu’ils peuvent faire mieux ?

Brian Cox : Les enfants pensent toujours qu’ils peuvent faire mieux que les générations précédentes. Parfois ils y arrivent mais le plus souvent, ce n’est pas le cas. J’ai des enfants et c’est une question qui se pose quand vous avez eu du succès dans votre vie, que vous vivez confortablement. Comment faire prendre conscience à vos enfants du chemin que vous avez parcouru ? Ils ne sont pas intéressés par votre expérience et ce que vous avez accompli pour être là où vous êtes aujourd’hui. Ils sont plus intéressés par leurs expériences, leur parcours. La série pose la question de la prise de conscience des générations futures.

Je crois que la famille est le microcosme de tout ce qui ne fonctionne pas dans notre monde. Prenez Trump, je le vois comme un enfant maltraité par son père, son frère est devenu alcoolique. Et aujourd’hui, il agit encore comme un enfant. Il a toujours cet incroyable besoins d’attention, peu importe si c’est une bonne ou une mauvaise attention, il en a désespérément besoins. Il est une grande personne mais quelque part est resté un bébé. Et malheureusement, dans une position très sérieuse.

Il y a un tel désenchantement pour le système politique, que les américains ont cherché un homme à l’extérieur de ce système et ils ont choisi Donald Trump, qui est un homme d’affaire avant d’être un homme politique. Le fait qu’il soit aussi idiot n’a, a priori, pas d’importance. Vous avez le président que vous méritez. Vous avez le gouvernement que vous méritez. Les politiciens américains ont ignoré le peuple américain, c’est pourquoi ils ont voté pour Trump. Le gouvernement anglais a ignoré le peuple anglais, c’est pourquoi on a eu le Brexit. C’est une maladie similaire. Au Royaume Unis et particulièrement en Angleterre, il y a une vraie division entre le nord et le sud. Toutes les richesses se trouvent au sud. Nous sommes aujourd’hui à Lille qui est la dixième ville de France. Si vous regardez la dixième ville anglaise, vous ne trouverez pas cette émulation culturelle, parce que le système britannique a fait bouger les gens, il les a déplacé. C’est la raison d’une telle concentration d’un côté et d’une désaffection de l’autre. Et pour les britanniques, l’Europe est devenu le bouc émissaire. C’est pourquoi le Brexit est arrivé.

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