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Rencontre avec Hiam Abbass, actrice de la série Succession

C’est lors du Festival Séries Mania Lille Haut-De-France 2018, que nous avons pu rencontrer Hiam Abbass, l’interprète de Marcia Roy dans la série Succession, présentée en avant-première mondiale lors de l’ouverture du festival. La série est disponible en France dès le 4 juin en US+24 sur OCS City.

Qu’est ce qui vous a particulièrement séduite dans le personnage de Marcy et dans la série plus généralement ?

Hiam Abbass : J’ai davantage été séduite par la série que par mon personnage en particulier. Au stade du pilote, je ne savais pas vraiment à quel point elle allait exister, je ne savais pas si j’allais être récurrente ou seulement guest de temps en temps. C’est arrivé au moment où j’ai eu envie d’essayer une nouvelle expérience. Il y avait ce désir de leur part de travailler avec moi, je ne pouvais pas refuser, sauf si c’était très mal écrit et bourré de clichés. Et il y a l’aura de HBO en plus de ça.

On a travaillé sur le pilote avec Adam McKay (le réalisateur, NdR). Jesse Armstrong et lui ont vraiment créé l’ambiance générale de la série et donné le ton de sa fabrication. Chaque comédien pouvait revoir ses lignes, on nous laissait improviser, on nous permettait de s’approprier nos personnages. Quelque chose est né au moment de ce tournage et j’ai l’impression que l’écriture de la suite s’est beaucoup appuyé sur cette base pour développer l’histoire.

Vous avez dit avoir trouvé particulier le fait de travailler avec beaucoup de réalisateurs différents…

Hiam Abbass : On tourne le pilote en décembre 2016, sans savoir si HBO allait signer pour la saison ou pas. Le feu vert est donné, nous sommes contents, excités, on a envie nous-même, de savoir ce qu’il va se passer. Et non, on nous donne les scénarios des épisodes deux et trois, que l’on tourne avec un autre réalisateur. On se fait à l’idée qu’on ne travaillera plus avec Adam McKay. On s’habitue à travailler avec un autre réalisateur, puis on nous fait lire les scénarios des épisodes quatre et cinq… que l’on tourne encore avec un autre réalisateur. Des réalisateurs qui ont des sensibilités différentes, des personnalités différentes… des accents différents ! Mark Mylod est anglais, Adam Arkin est américain. La veille je finissais avec Mark et j’arrive le lendemain pour tourner une scène du quatrième épisode et pendant toute cette première journée je me demande qui est ce monsieur avec cet accent que je n’arrive pas à comprendre… Dans ma tête, cela prend une proportion incroyable. Et finalement, à la fin de la journée, tout va bien et c’est même un sentiment agréable. On est constamment dans la curiosité de ce qui vient après.

Vous êtes réalisatrice, photographe, qu’avez-vous pensé de l’utilisation des zoom dans ce pilote ?

Hiam Abbass : Comme beaucoup, la première fois que j’ai vu le pilote, j’ai été surprise. Le rendu était étrange, on n’a pas l’habitude de voir ça. C’est une approche innovante pour produire une narration différente. Au début, quand j’ai découvert tous ces petits zooms, j’ai pensé que c’était une faute technique. C’est déstabilisant… comme toute nouveauté ! J’étais déstabilisée de changer de réalisateur tous les deux épisodes et finalement on s’habitue, on ne se pose plus la question. Il y a des gens qui ont hurlé quand le numérique est arrivé, imaginant qu’on ne pouvait pas se passer de pellicules, que c’était impossible. Et aujourd’hui, les deux cohabitent très bien.

Dans le pilote, votre personnage reste très en retrait, on peut seulement imaginer qu’elle va évoluer durant les neuf autres épisodes ?

Hiam Abbass : Il y a une volonté initiale de la part des auteurs et des producteurs de conserver du mystère autour de ce personnage. Elle est la seule étrangère dans cette famille, qui ne veut pas qu’une personne extérieure s’impose à la succession. Elle est très amoureuse de son mari. Ce sont deux êtres qui se sont rencontrés après avoir vécu des expériences variées, chacun de leur côté et qui aujourd’hui, s’entendent merveilleusement bien. C’est plus difficile pour les enfants. Mais Marcy ne s’est jamais montrée hostile envers qui que ce soit. Elle possède son histoire, que les autres ne connaissent pas mais elle ne se cache pas. Elle a cette phrase un peu plus tard dans la série « Si tu veux savoir quelque chose, poses-moi la question et je te le dirai. » Ça la définit parfaitement. Elle est la femme qui est toujours là derrière son mari.

Justement, dans le pilote, les hommes sont davantage mis au premier plan. Comment la place des femmes évoluera-t-elle au fil de la saison ?

Hiam Abbass : Shiv, la plus jeune des enfants, tiendra une place plus importante, parce qu’elle entame une carrière politique. Son personnage va gagner en épaisseur, son arc narratif va également gagner en importance car elle se retrouve prise entre deux mondes. A qui va-t-elle faire confiance ? Qu’est ce qu’elle fera ? Il y a des gens qui ne vont pas l’aimer en raison de son père et elle devra faire des choix. Marcy conserve son côté mystérieux, jusque dans son rapport avec Shiv mais la série montre que les femmes ne sont pas négligeables dans ce monde, même s’il reste un monde essentiellement masculin.

C’est un monde d’hommes mais l’Histoire montre bien que les femmes tirent aussi les ficelles. Vous avez trouvé de l’inspiration sur quelques modèles récents comme Brigitte Macron ou Melania Trump ?

Hiam Abbass : Je ne vais pas me comparer à Brigitte Macron ou à la femme de Trump mais il y a quelque chose de cet ordre là, effectivement, autour de Marcy. C’est pour cela qu’on la découvre en retrait, mais la série va montrer que parfois, son pouvoir surgit. Et en même temps, elle a accepté de jouer ce jeu, dans l’ombre des hommes puissants.

Il y a comme une tendance à revenir aux séries familiales ces derniers temps, comme Here and Now, Trust et aujourd’hui Succession. Comment la série va-t-elle se différencier ?

Hiam Abbass : Je n’ai pas vu les séries que vous citez, ce serait injuste de me comparer à quelque chose que je n’ai pas vu. Qu’est ce qui fera la différence ? Le succès probablement. Les premières réactions étaient prometteuses, j’ai eu l’impression que les gens ont envie de connaître cette famille, leurs histoires. L’idée d’une série, c’est de créer, par son pilote, la curiosité, l’envie chez le spectateur de découvrir la suite. Après est- ce que la série aura du succès ? Je ne sais pas, le public pourra aimer ou pas, je ne peux pas avoir de jugement là dessus, on verra si les gens éprouvent une forme d’attachement.

La grande qualité de la série, c’est de rendre humains et accessibles ces gens qui nous sont parfaitement étrangers, parce que l’on ne vit pas dans le même monde, un monde de pouvoir, d’argent, des thèmes qui repoussent par nature mais la série apporte un regard qui rend leur histoire universelle. Succession parle du fonctionnement et du dysfonctionnement d’une famille. C’est aussi simple et universelle que ça. Bien sûr le pouvoir et l’argent apportent d’autres codes, ça influe sur la structure et l’écriture, sur la dramaturgie. Ça apporte une autre couleur à cette famille, elle se distingue des autres.

Il y a comme une tradition à la télévision américaine de parler des familles très riches. Il y a eu Dallas, Dynastie

Hiam Abbass : Dallas parlait, quelque part, d’une Amérique rurale. Succession se déroule à New-York, cela apporte une touche cosmopolite, tout en restant très américain. Le choix de la ville est important, elle apporte avec elle une culture, une dynamique entre les gens et une famille qui réside à tel endroit ou tel endroit n’évoluent pas de façon identique. Une histoire qui se passe à Paris sera forcément différente d’une histoire se déroulant à Montluçon. Et on est aussi dans le milieu médiatique, un milieu puissant avec des gens qui ont beaucoup de pouvoir sur le monde. Cela permet d’aborder des histoires qui n’ont pas été joué dans Dallas… Alors bien sûr on retrouve des thèmes similaires, les histoires d’amour, de fratrie dysfonctionnelle, des rivalités, le mal aimé d’un côté, le plus aimé de l’autre… C’est aux auteurs de jouer avec les clichés et de les tordre, de façon plus ou moins brutale, plus ou moins frontale, plus ou moins approfondie, voire psychanalytique.

Il y a dans la série une sorte de grandiloquence du quotidien. Dans la dynamique des relations familiales, la base est toujours la même. L’être humain est bâti avec une batterie d’émotions et ces émotions provoquent des réactions. Bien sûr, les Roy sont extraordinairement riches et l’argent pollue les relations, l’argent pollue tout. Malgré tout, leurs problèmes existent aussi dans les familles pauvres. Succession parle d’une famille riche parce qu’il y avait une volonté des auteurs à raconter cette histoire, sur cette famille, dans le milieu médiatique. Mais la série aurait pu être basée sur une famille à la campagne au fin fond de l’Amérique. Je crois qu’il y avait aussi une volonté de se confronter au monde extérieur, notamment avec mon personnage.

Aujourd’hui, on pense davantage de façon globale. On travaille avec des comédiens qui ne sont pas américains, des auteurs qui ne sont pas américains. Jesse Armstrong est complètement anglais et il est le showrunner de la série, le scénariste principal dans la writer’s room… Sur le plateau, la distribution est aussi cosmopolite, une actrice est australienne, un acteur est un anglais, je suis française… Cela donne un ensemble à l’image de ce qu’est le monde aujourd’hui. On a envie de projets comme celui-ci qui sortent l’Amérique de son isolationnisme. Dans le milieu artistique, les gens ont envie d’autres choses. Et moi qui appartient à ce milieu, cela me réconforte de l’imaginer ainsi.

Vous seriez partante pour une saison deux ?

Hiam Abbass : Bien sûr ! Je ne souhaite pas lâcher Marcy comme ça.

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