Alors que la saison 3 de Baron Noir touche à sa fin sur Canal +, nous allons enfin savoir si Rickwaert va devenir président de la République. Nous avons pu rencontrer son interprète Kad Merad, ainsi que le scénariste de la série et expert en politique, Eric Benzekri, qui nous parlent de cette fin de saison agitée.

Baron Noir – Canal + – 2020
Attention cet interview contient des spoilers sur la saison 3 de Baron Noir.
Est-ce difficile de se remettre dans la peau du personnage de Philippe Rickwaert ?
Kad Merad : Pas tant que ça, c’est un costume. On a un temps de préparation avant le tournage, on se remet petit à petit dans le bain, on retrouve d’autres acteurs, on fait des lectures. La chance que j’ai c’est que maintenant les scénaristes écrivent en fonction de mon énergie. Pas trop de difficulté, mais je suis très impatient à chaque fois. J’ai commencé cette saison dans la neige, ça change j’étais pas dans une mairie, mais ça m’a beaucoup amusé.
Kad, vous avez dit lors d’une édition de Séries Mania « Je quitterai la série quand je serai président, mais comme les scénaristes n’ont pas envie que je parte, Philippe n’est pas prêt de devenir président ». Vous en dîtes quoi maintenant ?
Kad : Je dis énormément de conneries qu’on me ressort souvent après. C’est un jeu entre Eric et moi, on est devenu très proche évidemment depuis le début, il est le créateur je suis un peu sa créature (rires). Je lui ai toujours dit « je rêve d’être président moi ». J’ai commencé député maire à Dunkerque, je suis passé par la case prison, sans toucher 20 000€, et effectivement j’avais dit ça pour rigoler, mais c’est vrai que c’est une vraie connerie de dire ça. Mais l’idée c’est : qu’est-ce qu’on fait après ? qu’est-ce qu’on peut raconter ensuite ? Ce que je trouve bon dans la troisième saison c’est l’ascension, la rédemption, la manipulation, les alliances, désalliances, c’est tout ça qui m’a plu. Après ça qu’est-ce qu’on peut faire ? C’est dans la tête d’Eric maintenant que ça va se passer. On a déjà un peu discuter et je lui ai dit que je rêve de faire des voyages présidentiels, prendre l’avion, aller en Afrique… il peut se passer plein de choses. J’aime tellement maintenant ce rendez-vous avec Baron Noir que j’aimerais pas le quitter. Après si on doit s’arrêter on s’arrêtera.
Quelles thématiques vouliez-vous aborder cette saison ?
Eric Benzekri : Sur le plan des personnages, c’était de faire passer le baron noir dans la lumière, de voir un conseiller passer au premier plan. Politiquement ce qui m’a intéressé c’est d’être vraiment au cœur de l’actualité politique, c’est une actualité politique mondiale sur deux points de vue : d’abord le grand mouvement social global des femmes, c’est vraiment très net, les supports artistiques, les séries mettent en avant le combat des femmes, et ensuite la remise en cause de la démocratie par les réseaux sociaux. C’est la première fois qu’on voit ça sur la planète, et les hommes politiques ont bien tord de se mettre à tweeter, ils creusent leur propre tombe. J’ai pris le risque avec mes co-auteurs de travailler sur quelque chose qui est en cours, pas terminé, c’est une réalité immédiate. Les gilets jaunes sont présents en tant qu’idée politique dès la première saison. Parce qu’il y a un mouvement populisme, Rickwaert a une chance car le monde change, ce qui est fascinant et dangereux en même temps.
Chaque saison vous utilisez des points de la constitutions dont on ne connait même pas l’existence, vous la connaissez par cœur ?
Eric : Je relis la constitution plusieurs fois avant chaque saison, dans tous les sens. Vous jouez à un jeu, il faut connaître les règles, et les règles de la politique c’est la constitution.
Pourquoi avoir offert une fin aussi dramatique à Amélie ?
Eric : C’est très amère, elle est très amère. Et c’est le sentiment que j’ai eu en l’écrivant et en la revoyant. Je trouve que tous les personnages s’engagent à fond dans ce qu’ils font car ils y croient. Sa fonction de présidente de la république est l’objet de toutes les haines, elle est la cible d’une violence, ça n’a jamais été à ce point là dans l’histoire et c’est d’autant plus violent que ça soit une femme. Elle a fait de son mieux, ce qu’elle propose échoue à chaque fois. Aujourd’hui le sentiment que j’ai c’est qu’elle s’est tellement effondrée qu’elle n’arrive plus à tenir son rôle, après je suis auteur de fiction je suis allée loin. Seuls 53% des maires veulent se représenter, c’est hallucinant, ce n’est plus un métier qui fait rêver. Tout ce qui est chef est bon pour abattoir. Ce changement d’époque passe pour moi par un sacrifice. Je voulais la faire mourir ou terminer pas par une défaite, pas par un renoncement.
Justement, Rickwaert ne se tire pas une balle dans le pied en accédant à la fonction de président ?
Eric : C’est la place du mort. C’est un combat, Amélie est morte, il sait ce qui l’attend.
Avez-vous déjà réfléchit aux sujets que vous aimeriez aborder en saison 4 ? Pensez-vous que vous pourriez parler des grèves, des retraites, ce qui fait l’actualité du moment ?
Eric : J’ai l’habitude d’écrire très tard. Mais j’y réfléchis toujours un peu, ça ne me quitte jamais vraiment. On peut tout imaginer mais j’ai l’habitude d’installer un petit décalage.
Qu’est-ce qui vient en premier dans l’écriture ? Les thématiques ou les personnages ?
Eric : Les personnages. Je vais même vous dire, des images des personnages, même pas des dialogues. Là ce qui est venu en premier c’est la neige.
Vos personnages sont-ils inspirés de personnes réelles ?
Eric : A vous d’imaginer qui correspond à qui. Moi je prends beaucoup de choses et je fais un checkeur. Naima Meziani c’est plus une figure qu’un personnage identifié dans le monde politique, les communicants c’est le croisement de plusieurs communicants. L’idée d’avoir une communicante m’a intéressé car c’est plus souvent un métier de mec, et j’ai trouvé ça intéressant d’avoir une femme qui puisse résister à Philippe, ce n’est pas évident, comme Amélie, ce n’est pas pour rien qu’il a eu des histoires avec ces deux femmes-là. Je me suis un peu inspiré du communicant de François Mitterrand.
Est-ce que le débat était un gros enjeu de la saison ?
Eric : C’est la dernière séquence qu’on a écrite, il y avait un trou dans le scénario car je me disais qu’il fallait que je sois en forme pour l’écrire. On a commencé à tourner elle n’était pas écrite. C’était un gros défi. Quand on discutait des épisodes j’ai eu pendant un moment un vague délire de faire un épisode entier autour du débat, c’est un suicide donc évidemment on en l’a pas fait mais The West Wing l’a fait. Les deux développent leurs opinions sans insulte mais c’est très radical quand même, on a trouvé cet angle là, donc j’espère que ça fonctionne.
Comment s’est passé le tournage à l’Elysée ?
Kad : C’était simple le président était parti en vacances, c’était au mois d’août,. On a voulu filmer à un endroit, au début on nous a dit non et puis finalement ils ont accepté, je pense ils sont assez fans de la série.
Eric : Et puis c’est super d’avoir accès à des lieux où on n’avait pas accès avant. L’avion présidentiel c’est le vrai. C’est super quoi. Ça montre aussi que la série s’est faite accepter par le monde politique et on a donc plus de possibilité qu’avant. On a eu accès au décor de l’Elysée pendant 4 jours.
Kad, que souhaitez-vous à votre personnage pendant son quinquennat ?
Kad : Que ça soit calme, que ça se stabilise même si je n’y crois pas. Qu’il arrête de courir, de faire autant de voiture (rires). Il y a beaucoup de noirceur et de cynisme dans les séries actuelles, je pense à Chernobyl, Succession… ll faudrait un peu de lumière, je l’imagine un peu comme Chirac, de la bonne humeur, que les gens l’aiment, de la douceur…
Kad, vous avez le sentiment en tant qu’acteur d’avoir encore quelque chose à prouver au grand public ?
Kad : J’ai toujours l’impression de recommencer ma carrière à chaque fois. Je sors tout le temps de ma zone de confort parce que malgré tout je fais jamais la même chose. Dans Baron Noir je retrouve le même personnage à chaque saison mais en tant qu’acteur j’ai l’impression de recommencer à zéro à chaque fois. Là je vais faire une mise en scène au théâtre, je n’ai jamais fait, c’est un peu comme si à chaque fois je commençais un nouveau métier. Personnellement je n’ai rien à me prouver mais j’ai l’impression de devoir prouver aux gens que je ne suis pas là par hasard, que je ne suis pas un imposteur.
Qu’est-ce que vous apporte les séries TV par rapport au cinéma ?
Kad : De très bonnes critiques. Voilà la vraie différence. Parce que la série permet à un personnage de montrer beaucoup de facettes. Et pour un acteur d’avoir le temps. Réendosser le costume d’un personnage, ça peut être une suite sans fin, ça peut durer longtemps, on ne sait pas.
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