Alors que l’ultime saison de Succession vient de démarrer aux Etats-Unis sur HBO max, et disponible en France sur Prime vidéo via le pass Warner, Brian Cox, l’interprète de Logan Roy était l’un des invités d’honneur de cette nouvelle édition de Séries Mania. Pour l’occasion, nous avons pu partager un moment avec le comédien qui revient sur son personnage, la fin de Succession et le succès de la série.

Comment voyez-vous la manière dont Logan traite ses enfants ?

Brian Cox : Il n’a pas voulu ce qui arrive. Ce n’est pas le genre d’homme qui gère son business au hasard et pourtant il va faire l’erreur fatale d’être moins scrupuleux concernant sa famille. Il n’a jamais su comment gérer ses enfants. Être parent est très difficile et certains abdiquent. Personnellement je n’ai pas été particulièrement un super père car le problème c’est que mon père est mort quand j’avais huit ans et je n’ai eu personne pour le remplacer et donc j’ai dû improviser, ma manière d’être parent a été une totale improvisation. J’ai fait des efforts et essayé d’être gentil et compréhensif. Je n’ai pas axé l’éducation sur la discipline. Je ne crois pas au fait de mettre des limites aux enfants. Moi- même je n’ai jamais eu de limites dans ma vie du fait que mon père soit mort et que ma mère ait eu une grosse dépression nerveuse. C’est la même chose avec lui dans un sens, il ne sait pas comment agir avec ses enfants. Il sait qu’il aime sa fille. C’est sûr et certain, même s’il finit par l’aimer de moins en moins (rires). Il voyait le potentiel qu’elle a en elle et c’était bien vu de sa part. Mais elle est impossible et trop difficile à gérer. Sa moral est discutable. Celle de Logan l’est tout autant d’ailleurs. Vous savez ce qu’on dit « la pomme ne tombe jamais loin de l’arbre ». Ça s‘applique dans ce cas là. Il n’a pas été un père aimant mais je pense que ça vient des privations de son enfance, comme moi. Il n’a pas appris à s’occuper des autres. C’est quelque chose que l’on apprend de ses parents. On apprend tout d’eux, les bonnes et les mauvaises choses.

Quel type de relation avez-vous développé sur le tournage avec les autres acteurs ? Etiez-vous une sorte de mentor ?

Dire que j’étais un mentor serait présomptueux. Vous savez je sais pas grand chose de plus que le jour où je suis né, j’ai encore tout à découvrir. Quand on crée une nouvelle famille, tout le monde se découvre en même temps. Ils ont été géniaux, ils sont tous très talentueux. Je ne pouvais pas espérer meilleurs partenaires. On s’entend très bien, toujours aujourd’hui. Nous sommes vraiment devenus une sorte de famille et c’est génial de travailler avec eux. J’ai essayé d’être un leader et ils ont tous été bienveillants avec moi.

Auriez-vous aimé que la série dure plus longtemps ?

Réponse 3: Chaque chose à une fin. Ce n’est pas grave. Je viens tout juste de perdre ma sœur, ça a été très dur pour moi mais je me dis que c’est fini, c’est comme ça, il faut s’y faire. Les choses prennent fin, ce n’est pas grave. Je comprends cela. Oui c’était dur car elle était comme ma mère. Elle s’est occupé de moi et a fait beaucoup de chose pour moi sans qu’on lui lui demande de le faire. Sa mort m’a énormément affecté.

C’est elle qui s’est occupé de vous ?

Oui tout à fait. Elle avait 92 ans. Elle a eu une longue vie. Mais c’est quand même difficile vu comme elle s’est investie pour moi, elle était si fière, elle voulait faire de moi un gentleman. Son aide a été inestimable pour moi. Mais je crois vraiment que les choses doivent avoir une fin. Le problème de certaines série américaines c’est qu’elles ne savent pas se terminer, beaucoup vont trop loin ou ratent leur final. Prenez la polémique à propos de Game of Thrones, la fin n’a pas plu au public. Ils ont pris le public à contre-pied et ils n’ont pas aimé car lorsqu’une série va dans une direction, les gens ne comprennent pas qu’elle parte soudainement dans une autre. Pour ne pas suivre ce que le sens commun imposé ? C’est symptomatique de beaucoup de séries. Lorsqu’une série est bonne, elle doit aboutir à ça. Et ça nous unit tous. Je me souviens à l’époque, nous avions une soirée pour le nouvel an, c’est ce qu’on appelle Hogmanay, une grande fête en Ecosse, on se réunit et on se souhaite la bonne année. Avec ma famille nous avions décidé que toute personne assistant à la soirée devait chanter ou faire quelque chose. Je devais aller au lit à 1h du matin mais ma chambre était aussi dans la cuisine où tout le monde était, je ne pouvais donc pas dormir. Donc je suis allé dans la pièce, les gens étaient soûls, tout le monde était heureux. Ma sœur chantait très bien, elle chante toujours très bien d’ailleurs. Et on est monté sur scène ensemble et je me souviendrai toujours de l’effet que ça a fait dans la salle. Il y a une harmonie qui s’est naturellement créé entre nous et les autres personnes présentes, nous partagions quelque chose qui venait d’ailleurs, ils ont été transportés, rien qu’avec une chanson. Je n’ai jamais oublié cette sensation. J’avais envie que ça ne s’arrête jamais car c’était la meilleure sensation au monde. Et là j’ai réalisé que j’aimais me faire remarquer et la vocation d’acteur s’est mise en place à partir de là. C’était bien plus qu’une chanson ce soir-là.

Qu’avez-vous en commun avec votre personnage ? Partagez-vous certaines de ses valeurs ?

Nous sommes tous les deux déçus par la nature humaine (rires). Il pense que tout va dans la mauvais sens, et je suis d’accord avec lui. Politiquement je suis à l’opposé de ses idées mais ses convictions ont été ébranlées par des expériences décevantes qui l’ont particulièrement affecté. On a l’impression qu’il est cynique mais c’est plutôt un romantique désabusé. Ce romantisme a probablement été bref dans sa vie, mais il a existé. Et il l‘a poussé à faire des choses pas très agréables.

Qu’est-ce qui est le plus agréable à jouer avec un personnage comme Logan Roy ?

Je peux jurer tout le temps ! Mais sinon c’est juste rentrer dans peau d’un homme qui est mal compris. C’est génial de jouer un incompris car le public pose sur lui un jugement qui n’est pas ce qu’il est au final. Il garde aussi un secret. C’est très important. C’est pour ça que les gens l’aiment, ils veulent comprendre où il va, ce qu’il pense, ce qu’il fait, ce qu’il va faire. C’est génial. Il y a ce mystère qui plane et qu’il ne peut partager avec personne. Quel est ce secret ? C’est ce que j’ai dit lors de ma masterclass ce soir, je veux que Logan garde ce secret pour lui, ça n’a rien à voir avec nous mais qu’avec lui-même, c’est le moteur qui le propulse dans son travail.

Pourquoi Succession a-t-elle été aussi bien accueillie ? C’est génial, mais qu’est-ce qui fait vraiment la différence ?

C’est dans l’ère du temps. Nous avons vu les horribles Trump mais aussi les Murdoch, ces familles qui représentent une certaine strate de la société qui devient de plus en plus puissante et donc de plus en plus dangereuse. Et il y a aussi la dimension comique et satirique qui rend la série si forte. On regarde cette famille à travers un microscope, qui ils sont, ce qu’ils font, quel impact ils ont sur le monde, leur caractère impitoyable. Moi mon but est de définir les raisons de cette cruauté et je pense qu’elle vient de la déception de Logan. Logan est un homme déçu. Son talon d’Achille ce sont ses enfants. S’il n’aimait pas ses enfants, les choses seraient plus simples pour lui car il pourrait être juste cruel et s’en moquer, ce n’est pas le cas. La seule chose qu’il essaie de faire c’est de trouver un successeur au sein de sa famille. Quel est le problème avec ça ?

Qu’avez-vous ressenti lors du dernier jour de tournage ? Ne pensez-vous pas qu’une saison 5 aurait pu être une bonne idée ?

Voici pourquoi j’aime les auteurs anglais : ils sont disciplinés. Parfois trop, ils peuvent être secs. Ce sont essentiellement des auteurs de comédie. Nous avions beaucoup de vannes, par exemple au début Kieran Culkin avait 2 blagues à sortir et il avait peur de les faire. Maintenant il a 5 pages de vannes et il gère ça très bien. C’est l’une des grandes joies de Succession d’avoir vu ce jeune homme évoluer. Le dernier jour de tournage de m’a pas affecté plus que cela. Je me suis juste dit, c’est la fin.

Avez-vous aimé la fin de votre personnage ?

Oui je suis content de sa fin. Mais vous savez je ne peux rien dire ! Je n’ai pas le droit d’en parler. C’est certain c’était triste de quitter les collègues. Mais la série c’est autre chose. Et tu dois comprendre quand il est temps de finir et ne pas dépasser la date de péremption comme le font tant de séries américaines. Prenez Billions, Damian Lewis est de retour et du coup ils reprennent. Non laissez tomber !

Avez-vous eu votre mot à dire sur la fin de votre personnage ?

Non ! Ce serait gaspiller mon énergie ! Je ne fais pas ça. Les acteurs américains le font mais pas moi. Ils aiment donner leur avis. Moi j’apprends juste le texte et je délivre ma performance. C’est ma façon de travailler.

Y a-t-il des acteurs ou actrices français.e.s ou des films français que vous aimez ?

Oh oui ! Jeanne Moreau est l’une des plus grandes actrices de tous les temps ! J’aime aussi Belmondo, je l’appelle le Spencer Tracy français. Il était magnifique, il ne pouvait pas être mauvais car il vaut un naturel, une espièglerie, une qualité incroyable. Il y aussi Godard, Truffaut. Ils ont été à l’avant-garde de tant de cinémas. J’ai toujours dit que la différence entre le cinéma et le théâtre c’était que le cinéma est le produit d’une société égalitaire tandis que le théâtre est le produit d’une société féodale. Et c’est pourquoi le cinéma est si bon en France, il fait partie d’une société égalitaire. C’est pour ça que j’ai aimé L’Amérique, que j’y suis allé. J’étais persuadé que quelle que soit la classe sociale d’où tu venais, tu pouvais faire ce que tu voulais faire. Ils ne demandent jamais de quelle école tu viens. Ils ne vous demandent jamais d’où tu viens ni d’où sort ton accent. Ils pensent tous que je suis anglais ! Ce qui me va très bien. Pour en revenir au cinéma français, c’est un cinéma majeur, surtout à Londres.

Traduction : Olivier Aufauvre