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[Interview] HP [OCS Signature] : rencontre avec le duo de créatrices

En mars dernier, Sur Nos Ecrans a pu assister au tournage de la nouvelle série d’OCS Signature HP et rencontrer les deux créatrices de la série : Angela Soupe (Les textapes d’Alice) et Sarah Santamaria-Mertens.

Tournage d’une scène en mars 2018 – @SurNosEcrans

Synopsis : Sheila est une jeune interne en psychiatrie. La folie, elle pense pouvoir la définir, la soigner. Au fil des jours et des cas qu’elle va rencontrer, le monde si cruel de l’hôpital psychiatrique va s’avérer bien plus accueillant que la dureté d’une vie bien trop normée.

Pour intégrer la Fémis, il faut avoir déjà fait des études, donc quel est votre parcours ?
Sarah Santamaria-Mertens : Moi, j’ai fait des études d’art du spectacle, un master cinéma et un master 2 pro et j’ai enchaîné directement avec la Fémis. C’est-à-dire que j’ai pas vraiment eu une vie avant, contrairement à Angela (rires).
Angela Soupe : Et moi, j’étais journaliste avant et j’avais fait une web-série qui s’appelle Les Textapes d’Alice.

Pourquoi intégrer la Fémis et sa section séries ?
Sarah Santamaria-Mertens : pour plein de raisons. (rires)
Angela Soupe : Moi, c’était parce qu’après avoir écrit la première saisons des Textapes, je savais que j’avais envie d’écrire des séries, c’était sûr. Et j’avais pas envie de rester enfermée dans le programme court.
Sarah Santamaria-Mertens : Je viens plutôt, on va dire, d’une formation de cinéma et de théâtre, j’avais un peu envie d’une autre dramaturgie. Et d’une autre habitude d’écriture et de réalisation. Et je trouvais ça intéressant, il y a de plus en plus de séries.

Et ça commence à bouger en France…
Sarah Santamaria-Mertens : Oui, ça commence à bouger. C’est pas pour rien que la Fémis a ouvert son département aussi.

Vous ne vous connaissiez pas du tout avant la Fémis ?
Sarah Maria-Mertens : Non, on s’est rencontrés au début de l’année.
Angela Soupe : On a passé l’oral l’une après l’autre.
Sarah Santamaria-Mertens : Et on s’est rendu compte il n’y a pas longtemps que sur une épreuve d’écriture, on avait écrit presque la même histoire. (rires)

Le projet est parti de la Fémis, quel en est la genèse, l’impulsion ?
Sarah Santamaria-Mertens : J’avais envie de parler de ce genre-là. J’avais comme projet de faire une série sur l’hôpital psychiatrique, plus du point de vue des jeunes. J’ai une amie qui a été internée, du coup c’était un sujet qui m’intéressait, de parler de cet univers. Et Angela avait rencontré une interne qui est sa belle-sœur.
Angela Soupe : Oui, ma belle-sœur qui est interne en psychiatrie, qui me racontait ses journées, on en retrouve dans la série, comme Beyoncé. Elle me racontait sa journée, elle avait une patiente qui se prenait pour Beyoncé, une qui parlait avec son pied et à la fin de la journée elle a décroché un pendu. Je me suis dit « wow ». C’est une héroïne, une héroïne de série. Ce qui était intéressant particulièrement c’était comment décrire cet univers où on passe du rire aux larmes en très peu de temps, très vite et tout le temps. Et d’un point de vue d’écriture, c’était intéressant de passer de la comédie au drame de façon aussi brutale en permanence.
Sarah Santamaria-Mertens : Pour moi, il y avait aussi cette idée, comme je disais tout à l’heure c’était une de mes meilleures amies qui était en HP, ça aurait aussi pu être moi ou quelqu’un d’autre. C’était à voir aussi avec chacun peut avoir sa part de folie et on peut être à la limite ou pas de sombrer, de basculer de l’autre côté. Parfois il ne faut pas grand-chose.

C’est à la fois une série sur les patients et les médecins ?
Sarah Santamaria-Mertens : Le premier regard est d’abord celui des internes, on entre par le biais d’une jeune interne en psychiatrie. Et l’idée de la série se place du côté des psychiatres mais il s’avère que les patients ne sont pas juste un ressort dramaturgique mais c’est quand même avant tout, d’abord, le point de vue des psychiatres.

Comment avez-vous choisi les cas ? On peut très facilement tomber dans le cliché…
Angela Soupe : On est partis de vrais cas, en fait.
Sarah Maria-Mertens : On avait un consultant psychiatre qui nous suivait, qui nous racontait ses journées ou des anecdotes. Et parfois on avait des envies en lisant des articles par exemple. On se disait « ce truc-là est amusant ».
Angela Soupe : Au tout début du process, on a interviewé des internes en psychiatrie qui nous racontaient leur vie. Et donc on est parti de tout ce que ces gens-là nous ont raconté.
Sarah Santamaria-Mertens : En les transformant.

Vous n’avez pas pu parler à des patients ou d’anciens patients ?
Angela Soupe : On en connait pas mal dans notre entourage. Donc ça on avait dans notre entourage. Mais on n’a pas pu faire de séjour en HP.
Sarah Santamaria-Mertens : C’est pour ça que ça se passe un peu plus du point de vue des psy.
Angela Soupe : C’est le point de vue qu’on avait nous.

C’est aussi le point de vue que le spectateur peut avoir ? La plupart des spectateurs n’ont pas été internés ou ne connaissent personne qui l’a été…
Angela Soupe : La fiction s’intéresse beaucoup à la folie du point de vue des patients dans beaucoup de films…
Sarah Maria-Mertens : plus dans les films que les séries.
Angela Soupe : Les psychiatres sont souvent décrits comme des personnages machiavéliques ou dangereux. Soit dans Mindhunter ou plus récemment Gypsy sur Netflix. Du coup, nous, on a fait le choix d’être à l’échelle de psy réaliste, d’internes en psychiatrie. Leur point de vue est plus rarement adopté. On s’est fait une remarque pendant les premiers rushs [images brutes non-montées du tournage, ndrl], on est dans le bureau des psychiatres et ils parlent entre eux. On s’est dit qu’on ne voit jamais ces scènes-là, ces moments-là.

On voit aussi moins souvent des internes…
Angela Soupe : On ne voit pas souvent des internes et on voit rarement les psy et le personnel soignant discuter entre eux, hors caméra. Dans les documentaires, ils tiennent un discours officiel. Même si ça reste raisonnable, on les voit jamais délirer entre eux, se détendre, quelles sont leurs histoires entre eux ? Et ça ce sont des trucs que nous ont raconté les internes en psychiatrie. Et on s’est rendu compte que c’est un univers très drôle, en fait. Ils avaient un humour entre eux, une façon de décompresser.

On reste dans le milieu hospitalier ? On ne sort pas en dehors de l’hôpital ?
Angela Soupe : Un peu. Un peu comme dans Urgences où on sort de temps en temps.
Sarah Santamaria-Mertens : C’est une volonté de respecter cette arène et d’être au maximum dedans, et aussi la contrainte budgétaire.

Tu as parlé d’Urgences, c’est une inspiration pour l’écriture ?
Angela Soupe : Non, pas directement. J’en ai quand même regardé pas mal pendant l’écriture. Ce qui est étonnant dans Urgences, c’est la grande liberté dramaturgique, c’est d’une modernité dingue. La façon dont les épisodes sont construits, il y a des courts métrages à l’intérieur d’un épisode. Tu peux avoir un court métrage de quinze minutes qui a un début et une fin en soi au milieu du 52 [min, ndrl] et qui s’arrête comme ça et l’intrigue principale reprend juste après. Ils s’autorisent des trucs qui sont complètement fous, que peu de séries aujourd’hui s’autorisent d’un point de vue dramaturgique. Ça faisait du bien de revoir ça et de se réimprégner de leur liberté.

Comment avez-vous choisi Tiphaine Daviot pour incarner l’héroïne Sheila ?
Sarah Santamaria-Mertens : Avec Emilie [Noblet, la réalisatrice, ndrl], la prod. C’est un choix commun.
Angela Soupe : C’est l’actrice qui ressemblait le plus au personnage tel qu’il était écrit. Vu que la psychiatrie est un univers très flou, c’est ce qui nous a marqué quand on a interviewé nos huit internes. Quand tu es étudiant en médecine et que tu débarques en psychiatrie, par rapport aux autres spécialités, c’est une spécialité où il n’y a pas de grille d’évaluation pour évaluer les patients. Ils arrivent dans un monde qui est super flou, qui est super mouvant, les définitions des maladies changent tout le temps, les pratiques changent. C’est pas du tout un univers cadré par rapport aux autres spécialités. Et du coup, vu que cet univers est très instable, on leur demande d’être très intuitif. On s’est dit qu’a contrario, il nous fallait une héroïne qui rentre là-dedans et qui soit très carrée, très normée, très scolaire. C’est comme ça qu’on a construit notre personnage, presque en opposition avec notre arène. Tiphaine avait ce truc très sûr d’elle, très carrée. Et d’ailleurs, elle le dit elle-même, elle se sent très proche du personnage. Et elle sait qu’elle va morfler au fur et à mesure des saisons.

Dans les coulisses du tournage – @SurNosEcrans

Jimmy, incarné par Raphaël Quenard, n’est pas du tout ce qu’on imagine comme psychiatre…
Angela Soupe : Lui, c’est un médecin très borderline. À tel point qu’on se demande s’il va pouvoir rester… C’est ce qui nous a marqué quand on a rencontré ces internes, c’est qu’ils ont tous cette lueur de folie dans leur regard.
Sarah Santamaria-Mertens : On a eu un interne qui racontait qu’il a fait une blague à sa chef de service : « hé, machin s’est suicidé », et elle « quoi ? », et en fait « non, c’est pas vrai ». Cela dépend des services et des psychiatres mais ils peuvent être assez borderline, ils ont besoin de décompresser.

Ils doivent voir des choses graves, difficiles à encaisser…
Sarah Santamaria-Mertens : Oui, et du coup ils peuvent avoir un côté déconnant.
Angela Soupe : Il y a une anecdote assez marquante et qu’on a mis dans le premier épisode. Une psychiatre nous racontait que le matin, elle arrivait en bus à l’hôpital. Il y avait un seul bus que tout le monde prenait et elle essayait de deviner qui étaient les patients et qui étaient les soignants. Et c’était hyper dur parce que les psychiatres ont souvent des têtes de patients et certains patients ont l’air de psychiatres. (rires)
Sarah Santamaria-Mertens : La première fois que j’ai pris le bus pour venir ici [l’hôpital psychiatrique en banlieue parisienne où la série est tournée, ndrl], je me suis dit « il y en a un, je suis sûr, il s’arrête au même endroit que moi » et oui ! (rires)
Angela Soupe : Moi, c’est un mec, je pense qu’il était psychiatre et il me regardait pour savoir si j’étais une patiente ou une soignante parce que j’avais demandé au chauffeur de bus l’arrêt de l’hôpital psychiatrique. Et tout le monde te mate en se demandant si elle psychiatre ou patiente. (rires) On a joué sur cette limite-là.

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