Alors que la saison de 3 de Dix pour cent démarre le 14 novembre sur France 2, lors de Festival de la fiction TV de la Rochelle nous avons pu rencontrer Fanny Herrero, la créatrice de la série, qui se confie sur cette nouvelle saison.
Qu’est-ce que vous avez eu envie de raconter dans cette troisième saison ?
Fanny Herrero : On a voulu revenir au cœur de l’agence, aux rapports premiers qui sont des rapports de travail. Depuis qu’il y a des agences à Paris, on observe des scissions, parce que les hommes et femmes évoluent et ont envie de monter leur propre agence. Il y a toujours eu des luttes intestines, plein d’histoires m’ont été racontées et elles m’ont beaucoup inspirées. Nous avons eu envie de mettre en valeur les relations, les rivalités, de l’opposition mais aussi de la solidarité, de mettre à l’épreuve les liens à l’intérieur de l’agence et de voir ce que cela pouvait donner si quelqu’un décidait de partir.
Ensuite, il y a des sujets plus intimes, que j’avais vraiment envie de traiter : la grossesse d’Andréa, la question de l’homoparentalité. Colette revient à ses côtés, elles vont donc avoir cet enfant ensemble… sauf qu’il y a Icham au milieu, donc la question de qui sont ses vrais parents se pose. C’est un sujet qui me touche personnellement. Et nous avons développé plein d’autres choses, des histoires amoureuses, d’amitié, de sentiments. Mais l’idée de départ était de revenir à une thématique principale professionnelle.
Trouvez-vous que cette saison est plus féministe, notamment la grossesse d’Andréa ou au sein du travail avec Noémie qui doit gérer sa relation avec Matthias, les débuts de Camille comme agent…
Fanny Herrero : Oui, tout à fait. Ce sont des choses qui viennent presque malgré moi au fil des saisons. Avec l’équipe, nous avons eu envie de tracer des destins de femmes, variés, riches, dont celui d’Andréa. Un sujet qui me touchait de près car j’ai eu un enfant entre la première et la deuxième saison. J’ai vécu cette grossesse dans un moment très intense de ma carrière et c’est très compliqué d’avoir un enfant dans ces conditions. Cela m’a permis de nourrir ce qui arrive à Andréa.
Ensuite, vous avez raison, j’avais envie que Noémie sorte de son rôle, qu’on adore, de quelqu’un un peu idiote, un peu fofolle. On voulait lui redonner sa noblesse, à laquelle je crois vraiment, et montrer que les plus dépendants ne sont pas toujours ceux que l’on croit, que ceux qui sont dans l’affect ne sont pas toujours les femmes mais que les hommes peuvent être aussi très dépendants dans une histoire d’amour. J’avais envie d’inverser les rapports de force avec Matthias. On souhaitait également que Sofia gagne son indépendance, vit sa propre trajectoire sans Gabriel. Et évidemment Camille qui fait ses débuts d’agent et doit réussir. On n’oublie pas les personnages masculins mais Dix Pour Cent parle des femmes, de leur corps, de la représentation de leur corps. C’est un des sujet inconscient de la série.
Est-ce que vous seriez intéressée pour développer des intrigues post #MeToo, en rapport avec l’affaire Harvey Weinstein ?
Fanny Herrero : Nous avons été un peu précurseurs parce qu’on avait à la fin de la deuxième saison, l’épisode avec Juliette Binoche où l’on abordait l’idée que les actrices étaient des morceaux de choix pour certains hommes de pouvoir. C’était traité de façon légère à la Dix Pour Cent mais c’était bien avant l’affaire Weinstein. Tout comme la prise de parole de Juliette Binoche qui annonçait sur la scène à Cannes, que cette année il y avait enfin une parité, on se projetait dans un futur qu’on attend avec impatience et qui malheureusement n’est toujours pas arrivé.
On souhaitait parler de cela, du fait que les femmes prennent en main leur propre récit. Dès qu’il s’agit d’actrices, il s’agit aussi de leur corps, du corps des femmes, de la séduction, du désir, c’est quelque chose que l’on aborde avec le destin de Sofia ou l’épisode de Béatrice Dalle, de façon spécifique puisque ça parle de la relation un peu perverse entre certains metteurs en scène et des actrices. Pas dans le fait d’aller taper à la porte de leur chambre, le soir, quand tout l’équipe dort mais sur le plateau, comment certains réalisateurs peuvent aussi avoir envie de vampiriser leurs actrices, de leur faire faire des choses qu’elles ne veulent pas, notamment avec leur corps, leur nudité, leur sexualité. Voilà ce que l’on a voulu traiter avec l’épisode consacré à Béatrice Dalle.
Dans le premier épisode, on pourra voir Jean Dujardin, Monica Bellucci dans le suivant, pouvez-vous nous dire quels seront les guests dans les épisodes suivants ?
Fanny Herrero : Il y aura Gérard Lanvin dans le troisième, Isabelle Huppert dans le quatrième, Béatrice Dalle dans le cinquième et dans le dernier épisode, ce sera un peu atypique cette année. C’était un peu le pari de la saison : pousser la logique Dix Pour Cent jusqu’à faire des agents, les héros de l’épisode, pour une fois. Il n’y aura pas de stars, ou plutôt, la star de cet épisode, c’est à la fois un peu tous les invités qui reviennent pour un vrai petit caméo, parce que ce sont les trente ans de l’agence et qu’ils sont tous invités, et finalement, la personne qui devient la star de l’épisode, c’est une petite dame toute simple, qui s’appelle Isabelle Huppert, une homonyme, qui est infirmière et dont on va avoir besoins pour l’intrigue, mais qui n’a rien à voir avec le métier d’agents et qui se retrouve malgré elle propulsée star d’un jour.
On retrouvera Julien Doré, également ?
Fanny Herrero : Oui, tout à fait. Il possède ce statut un peu à part d’être un guest traversant, il revient dans les épisodes deux et trois.
Avez-vous écrit cette troisième saison avec l’idée d’une quatrième en tête ?
Fanny Herrero : C’est compliqué. On écrit toujours dans l’optique d’une suite, il faut toujours laisser des portes ouvertes. Et en même temps, il faut se concentrer sur ce que l’on a à dire. C’est un des enseignements de Frédéric Krivine, qui m’a formée à l’écriture et avec qui j’ai travaillé sur Un Village Français pendant plusieurs saisons. En gros, c’est de ne jamais sauver des cartouches pour plus tard, il faut mettre tout ce que l’on a maintenant, et on trouvera toujours de quoi nourrir la série ensuite. Il faut néanmoins faire attention à ne pas fermer les liens entre les personnages. Si certaines boucles devaient se refermer, d’autres finiront pas s’ouvrir. Il y a toujours l’idée d’une possibilité derrière, mais il faut savoir concentrer ses forces sur le présent et créer un maximum d’intensité, de surprises et de fantaisies.
On peut espérer une saison quatre ?
Fanny Herrero : Elle est en cours d’écriture.
Avez-vous d’autres projets ?
Fanny Herrero : Oui, effectivement. Pour l’instant, je n’en parle pas. Dix Pour Cent est une aventure très prenante, très exigeante et à un moment, je sens que j’ai aussi besoin d’exprimer d’autres choses. Mais c’est encore à l’étude.
Le JDD a sorti l’information dimanche dernier, c’est officiel Fanny Herrero quitte son bébé Dix pour cent, et c’est Vianney Lebasque et Victor Rodenbach (Les Grands) qui reprennent le flambeau pour la saison 4.