Alors que la saison 2 de The Handmaid’s Tale s’achève ce soir aux États-Unis, lors du 58ème Festival de la Télévision de Monte-Carlo nous avons pu rencontrer l’incroyable Samira Wiley qui interprète Moira dans la série à succès diffusée en US+24 sur OCS.
The Handmaid’s Tale est une série particulièrement éprouvante et impose un vrai challenge pour les acteurs. Vous parvenez à vous couper du personnage une fois que vous rentrez chez vous ou bien la concentration réclame de l’emporter avec vous ?
Samira Wiley : Je dois être très attentive pour sortir du rôle à la fin de chaque journée. C’est quelque chose que j’ai appris à l’école d’art dramatique. Cela peut être dangereux de ramener votre personnage quand vous jouez dans une œuvre très intense et dure. Nous essayons d’être le plus authentique possible. A partir de là, c’est d’autant plus important de vous séparer de votre personnage, de ce monde, pour votre entourage comme pour votre santé mentale.
Pensez-vous que The Handmaid’s Tale a une certaine responsabilité dans notre contexte actuel, post-#MeToo ?
Samira Wiley : C’est une période idéale pour la série. On avait déjà vécu ce genre « d’accident heureux », enfin, je ne dirai pas « heureux », avec ce qui se passait politiquement aux USA ou dans le monde. Et aujourd’hui, on le voit avec le mouvement #MeToo. La série montre à quel point les femmes peuvent être fortes et spécialement collectivement. The Handmaid’s Tale montre des femmes se combattre entre elles alors qu’elles gagneraient à mutualiser leur force. Je suis fière d’être une femme, d’être capable de prendre la parole et de voir que cette parole compte. On sent un vrai changement, ce ne sont pas que des mots. Bill Cosby a été condamné, Harvey Weinstein s’est rendu à la police new-yorkaise, les choses changent et je suis fière de faire partie de ce mouvement.
Pour beaucoup, vous incarnez un modèle aujourd’hui, avez-vous eu des retours particuliers ?
Samira Wiley : Oui, cela me touche énormément, surtout de personnes ayant fait leur coming out. Il y a encore tellement de jeunes gens qui souffrent, sont abandonnés par leur famille et dans le pire des cas, qui vont jusqu’à se suicider. Je ne me rends pas toujours compte de la portée de ce que je peux représenter ou inspirer. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous voulons être responsables avec la série. Entendre que je donne du courage à des gens qui ont beaucoup souffert, c’est un sentiment presque envahissant. Si j’y réfléchis trop, je risque de me mettre à pleurer.
C’est quelque chose dont vous avez pu discuter avec Laverne Cox ?
Samira Wiley : Sur Orange is the New Black, on pouvait utiliser le mot transgenre tous les jours mais il n’était jamais un sujet de conversation. Dix ans plus tôt, cela aurait peut-être été le cas mais aujourd’hui, le degré d’acceptation est complètement différent. Et Laverne est si fabuleuse !
Il n’y a pas beaucoup d’acteur.rices Noir.e.s et gays, est ce que votre coming out fut particulièrement difficile ?
Samira Wiley : Je n’ai pas eu l’impression de ressentir un réel poids. Je ne suis pas une actrice très célèbre que les gens connaissent depuis des années, inscrite dans l’inconscient collectif. C’était pour moi une façon de dire qui j’étais et les gens sont capables de voir cette authenticité. Ian McKellen a dit que personne ne devait regretter de faire son coming out. C’est libérateur. Je ne veux pousser personne à entreprendre la même démarche, c’est une décision et un voyage que vous devez entreprendre par vous-même, pour vous-même. Mais je le conseillerais néanmoins et si, en faisant mon coming out, j’ai pu apporter du courage à d’autres, c’est bien.
Que ce soit Orange is the New Black ou The Handmaid’s Tale, pensez-vous que les deux séries expriment par le vêtement des motifs d’oppression ?
Samira Wiley : Aujourd’hui, j’apprécie particulièrement ce que j’exprime par la façon dont j’apparais. Quand j’étais à l’école, c’était jean et t-shirt tous les jours. Et j’ai l’impression que je me voyais comme une personne pour qui les vêtements ou l’apparence n’avait pas d’importance. Les vêtements sont le premier bonjour, c’est aussi une liberté que de pouvoir dire quelque chose à quelqu’un, sans même avoir à ouvrir la bouche. J’y suis plus sensible à présent mais j’ai toujours des jeans et des t-shirts ! (rires)
Avez-vous dû faire face à des gens en désaccords avec la série ou bien sentez-vous que tout le monde est derrière vous ?
Samira Wiley : Quand vous êtes acteur, vous avez envie de recevoir uniquement des avis positifs mais si quelqu’un a une autre opinion et l’exprime, cela enrichit le dialogue. Si The Handmaid’s Tale est exactement comme nous le souhaitons, nous avons besoin d’entendre des avis divergents. Vouloir taire quelqu’un parce qu’il exprime une opinion différente est exactement ce que la série dénonce et les raisons qui ont abouti au monde tel que Gilhead.
La série est devenue très reconnue au point d’inviter les retardataires à la binge watcher. Cela relève d’une expérience particulière parce que la série reste très dure, certains vont même reprocher sa violence.
Samira Wiley : La série m’affecte aussi. Je m’identifie aux gens qui trouvent la série trop dure et la pire chose à faire serait de la binge watcher. Il faut prendre le temps de la regarder et prendre le temps de s’en éloigner. Même au milieu d’un épisode, par moment ! Il y a tellement d’éléments à absorber, les images sont parfois très explicites, l’histoire elle-même est explicite !
Quel serait votre personnage le plus iconique que vous avez vu à la télévision et quel est votre rapport aux séries en tant que spectatrice ?
Samira Wiley : Lucille Ball ! (I Love Lucy, NdR) Je suis tombée sur la série alors que je zappais et j’ai naturellement commencé à regarder… pendant un moment. Je ne regarde pas beaucoup la télévision. C’est difficile de naviguer parmi tout ces contenus. Il n’y a jamais eu autant de séries qu’aujourd’hui. C’est compliqué de s’y retrouver. Donc je me fis aux critiques comme vous. Dites-moi ce que je dois regarder ! (rires)
De quel personnage vous sentez-vous le plus proche entre Moira dans The Handmaid’s Tale et Poussey dans Orange is the New Black ?
Samira Wiley : Je ne les considère pas comme des extensions de moi-même mais davantage comme des personnes différentes. J’ai adoré jouer Poussey, adoré travailler sur Orange is the New Black. Cette série m’a propulsé auprès du grand public, je ne m’y étais pas préparée. Poussey est la meilleure. Elle est une formidable amie.