Le nouvel opus de Martin McDonagh, Three Billboards Outside Ebbing Missouri est un candidat assumé pour les Oscars. Est-il à la hauteur de son aura et surtout est-il aussi bien que son premier film In Bruges, que j’avais personnellement beaucoup aimé ?

Three Billboards – 20th Century Fox – 2017
Synopsis: Après des mois sans que l’enquête sur la mort de sa fille ait avancé, Mildred Hayes (Frances McDormand) prend les choses en main, affichant un message controversé visant le très respecté chef de la police Willoughby (Woody Harrelson) sur trois grands panneaux à l’entrée de leur ville.
Dans l’une des premières scènes, Mildred entre dans le bureau de l’agence qui s’occupe des panneaux publicitaires d’Ebbing, tenu par Red (Caleb Landry Jones, dans un rôle non antipathique). Celui-ci lit une nouvelle titrée A Good Man is Hard to Find. Cette note d’intention reflète exactement ce métrage et le film aurait pu être appelé de la sorte. Mildred Hayes est une femme en colère que l’enquête sur le meurtre et viol de sa fille adolescente n’avance pas. Elle affiche trois panneaux ayant pour but de faire honte au Sheriff Willoughby. Et en un rien de temps, il attire son attention ainsi qu’un de ses officier, Jason Dixon (Sam Rockwell, impeccable). Comment ne pas être en colère lorsque le monde est aussi injuste ? C’est la question que pose ce film et l’originalité, c’est qu’il n’y répond pas par une résolution hollywoodienne, mais par une succession de combat, de coup du sort et de moments injustes.

Three Billboards – 20th Century Fox – 2017
Martin McDonagh est un réalisateur venant du théâtre, et manie l’absurdité et les changements de ton avec virtuosité. On passe du rire aux larmes en une fraction de seconde. La colère qu’a emmagasiné Mildred ressort dans des dialogues savoureux et acerbes, démontant tour à tour la police, le prêtre de la ville, ou encore son ex-mari. Sauf qu’ici, la subtilité est dans la situation de ces personnages et non dans l’empathie que l’on a pour eux. Mildred n’est absolument pas une personne sympathique. Elle est injurieuse, n’a pour elle aucun trait positif, en témoigne sa relation avec son fils, qui plaide auprès d’elle de démonter ses panneaux car il se fait harceler à l’école. Ou encore dans sa relation avec James (Peter Dinklage), où elle lui dénie son attraction pour lui. Et pourtant sa situation fait qu’on ne peut qu’être de son coté, malgré sa colère qui s’intensifie au fur et à mesure, résultant dans des actes d’une grande violence.
Le script de Martin McDonagh est rempli de twist et ne prend aucun gant avec son audience. Est-ce une enquête et un thriller ? D’autres réalisateurs auraient mis l’accent dessus. Ici ce n’est pas le cas. Le focus est sur cette femme, sa famille et la communauté d’Ebbing (ville imaginaire), ainsi que la tragique conséquence de la disparition d’Angela. Three Billboards est aussi un grand plaidoyer sur l’absurdité de ce monde qui nous entoure. Tout le script se construit sur les conséquences des actions des personnages bourrés de défauts, ayant pour origine les panneaux publicitaires.
Frances McDormand incarne cette colère mieux que quiconque, donnant ici une de ses meilleures prestations depuis Fargo. Elle est irascible, avec un trait d’esprit ravageur, et une attitude de camionneuse impossible à déloger. C’est avec une vraie intensité qu’elle incarne cette femme. On peut voir dans la façon dont elle déclame son monologue et déchire le prêtre, mais aussi lorsqu’elle montre sa vulnérabilité lors de l’incendie des panneaux, et comprendre à quel point Frances McDormand est une actrice de génie. J’ai rarement vu une telle prestation, et je pense réellement qu’elle sera nominée, voire gagnera un Oscar, même si la concurrence est féroce, avec entre autre Sally Hawkins et Saoirse Ronan. Woody Harrelson incarne le shériff de la ville mais également le juste milieu, un homme intègre qui est en phase terminale d’un cancer. Il ne peut aider Mildred car l’enquête piétine, faute de preuve et d’indice. Son incapacité à résoudre le meurtre couplé avec sa propre tragédie et son geste funèbre, enclenche la rédemption dans le dernier personnage important de ce film, Jason Dixon, un idiot du village complet, interprété admirablement par Sam Rockwell. Il a ce physique particulier qui nous empêche de détester le personnage qu’il incarne malgré l’atrocité et la bêtise dont il fait preuve. Dixon est un raciste et un idiot qui se retrouve toujours à deux doigts de se faire virer, mais qui a un bon fond. Son arc narratif est peut être forcé à la fin, mais Rockwell est absolument excellent dans ce rôle.
Three Billboards est une satire sur la vie et l’absurdité qu’elle prend par moment, triomphalement porté par des acteurs à leur plus haut niveau, et dirigé de main de maître par un auteur qui performe le plus avec une comédie noire.
Tous les obstacles que la vie nous réserve ne nous apprend pas la tolérance et l’humilité. Surtout pas la perte d’un proche. Mais que faisons nous avec ce savoir ? Comment gérons nous cette colère face à ce monde injuste ? Three Billboards est à la fois un de ces rares films à la fois profond et réel ; inspirant sans être manipulatif. Très peu m’auront autant fait rire et pleurer. Ça sera sûrement un des meilleurs films de 2018.
9,5/10
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