Pour Mise à mort du cerf sacré, Yorgos Lanthimos refait équipe avec Colin Farell après The Lobster. Qu’en est-il de ce premier métrage dans les contrés de l’oncle Sam ?

Mise à Mort du Cerf Sacré – Haut et Court (2017)
Synopsis: Steven, brillant chirurgien, est marié à Anna, ophtalmologue respectée. Ils vivent heureux avec leurs deux enfants Kim, 14 ans et Bob, 12 ans. Depuis quelque temps, Steven a pris sous son aile Martin, un jeune garçon qui a perdu son père. Mais ce dernier s’immisce progressivement au sein de la famille et devient de plus en plus menaçant, jusqu’à conduire Steven à un impensable sacrifice.
Regarder un film de Yorgos Lanthimos est une expérience étrange, unique en son genre. Dans The Lobster, sortie il y a deux ans, sa vision de l’amour et du célibat prenait la forme d’une satire acerbe de la société, une vision qu’elle nous impose pour chacun d’entre nous. Cette oppression et ce regard décalé prend ici une autre dimension, beaucoup plus anxiogène et horrifique. Lanthimos a une capacité rare de transformer des situations absurdes en métaphore extrêmement réelle et cruelle de la vie quotidienne. Il est quasi maître dans le genre de l’humour noir teinté d’horreur et nous confronte de plein fouet à notre réalité bien dépressive qu’on a tendance à éviter.
Mise à mort du cerf sacré, comme son nom ne l’indique pas au premier abord, est une métaphore sur les conséquences et le prix à payer pour ses actions passées, en l’occurrence ici une tragédie, tirée de la fable du roi Agamemnon qui a tué accidentellement le cerf d’Artemis et qui a du sacrifier sa fille Iphigénie.
Steven (Colin Farrel, impeccable), un chirurgien marié à Anna (Nicole Kidman, décidément dans tout les bons coups de cette année 2017) semble couler une vie raisonnablement confortable avec leurs enfants Kim (Raffey Cassidy) et Bob (Sunny Suljic). Steven se prend d’affection avec Martin (Barry Keoghan), un jeune garçon étrange et mystérieux. Steven se prend d’affection, un peu paternel envers celui-ci, et rapidement, son comportement cache derrière lui quelque chose de plus sombre. En effet, il s’invite inopinément à son hôpital, prend ses aises et fait rencontré sa mère (Alicia Silverstone, touchante en mère isolée et désespérée) à Steven. Et puis peu à peu, des afflictions s’abattent sur les enfants de Steven, comme la perte de leur motricité des jambes et bien d’autre souffrance, engendré par Martin.
Dans la veine de ses précédents films, les personnages ont tous une voie monotone, très plate, glaçante, pour souligner le caractère étrange et froid du monde qu’il dépeint. Barry Keoghan est flippant et son interprétation est un tour de force horrifique, tout en ayant un comportement extérieur très froid. Son visage, à la fois un mix entre gentillesse et tristesse, captive par sa capacité à aussi être menaçant et terrifiant. La lente chute auquel on assiste nous donne dès les premiers instants un sentiment d’inconfort et de terreur sourde.
Attention spoilers
Lanthimos utilise la banlieue chic américaine comme background pour souligner le cauchemar de la vie de couple. Et au travers de la tragédie de Martin, en l’occurrence, l’opération raté de Steven pour sauver son père, où il était sous influence de l’alcool. Martin représente à lui seul une menace aux proportions bibliques. Il est la conscience incarnée de Steven, qui doit se repentir et sacrifier un membres de sa famille ou se voir privé de tout le monde. La lourde décision prend forme petit à petit lorsque les diagnostics médicaux sont tous non concluants et doit donc se résigner à accomplir le désir de Martin. Lorsque toute la famille s’en rend aussi compte, s’ensuit donc la danse de chacun pour que Steven ne les emmène pas sur l’échafaud.
Il ne faut pas trop essayer de trouver quelconque logique quand à la façon dont l’univers du film fonctionne, il faut vraiment se laisser porter par l’ambiance, les performances magistrales de chaque acteur, et aussi apprécier la photographie et le cadrage, clinique.
Tout n’est pas parfait, car le dilemme posé ne peut se résoudre en y apportant une réponse satisfaisante, et le film en fait de même. C’est le dilemme du tramway mis en image de façon cruel et insoluble. Le rythme peut en rebuté plus d’un, avec un propension pour les personnages d’agir sans émotions qui n’ont pas de logique propre à ce qu’ils vivent. Enfin, je dirais qu’en réalité, la sensibilité de chacun face à l’absurde est la clé pour ce film.
Lanthimos créé donc à sa manière son « Choix de Sophie », cruel, satirique et méta. Il invite le spectateur dans son univers et fait la promesse suivante : vous avez déjà vu ce scénario, mais vous ne l’avez jamais vu sous cette forme. Êtes-vous fan de film original ? Alors courrez voir ce film.
8/10