Sensation télévisuelle des années 80, Dynasty a régné pendant une décennie sur les soaps aux Etats-Unis et s’en est allée. Aujourd’hui, emportée par la folie furieuse des reboots, revivals et resucées en tout genre qui s’est emparée des chaînes américaines, c’est la CW qui ressuscite la famille Carrington. Valait-il mieux les laisser enterrés sous leur fric ou il y a-t-il encore quelque chose à en tirer?

Dynasty – The CW – 2017
Synopsis : Un reboot moderne et diversifié du soap classique des années 80, qui suit deux des familles les plus riches des Etats-Unis, les Carringtons et les Colbys, qui se battent pour le contrôle de leur richesse et leur famille.
Qu’on se le dise d’office, je ne connais rien à Dynasty la série originale. Et je n’ai définitivement pas le temps de me l’ingurgiter pour une étude comparative parce que peak TV, toussa toussa hein. Le fait est que je n’étais même pas né au moment de son lancement—je sais, ça foutra un coup aux lecteurs trente-quarantenaires, alors je vous laisse quelques secondes pour digérer ces petites réflexions de crise existentielle, sur le temps qui passe, cette Rolex, ces 80m2 dans le Marais, cette villa éco-suffisante en Islande et chinchilla domestique que vous n’avez toujours pas. Oui je suis un petit con. Mais un petit con qui n’a pas le bagage culturelle d’avoir déjà vu 9 saisons de Dynasty ou d’autres bijoux soapesques du même genre. Ce que je vous envie quand même. Non vraiment. Pas vos sueurs froides devant premiers cheveux blancs et système digestif fragilisé. Mais pour la culture TV oui. Et en même temps, vu la qualité de la plupart des soaps US d’aujourd’hui, j’imagine que ça doit sacrément vous manquer des intrigues juteuses dignes de ce nom. Je veux dire c’est pas Revenge ou Blood and Oil qui font grimper au rideau.
C’est ce qui me fait dire que ce reboot de Dynasty est exactement ce qu’il nous fallait. Tant aux vétérans sériephiles nostalgiques qu’aux jeunes pousses incultes. Ce qui est surtout appréciables pour nous autres crétins de millenials, c’est à quel point la séries est en phase avec son époque. Elle marie avec efficacité les codes du soap et les références à l’actualité économique et culturelle—oui, oui, rien que ça. Bon ça revient pas à écouter France Culture non plus, on est bien d’accord, mais entre deux catfights et coucheries, c’est une touche bienvenue que les réflexions sur les énergies renouvelables ou les boutades sur la situation politique américaine.
Je ne sais pas ce qu’il en était pour version originale mais je trouve aussi assez délectable d’avoir une galerie de personnage qui assume pleinement sa décadence et ses déboires. Clairement ni les Carrington ni ceux qui gravitent autour ne sont des saints mais ils ne se voilent pas face. Même les twists et révélations les plus attendus gagnent en saveur grâce au cynisme et à la désinvolture des personnages. Certaines situations sont bien entendues grotesques ou outrancières, dans la pure tradition soapesque, mais ce qui fait la différence c’est que la série est capable d’y souligner l’ironie et même d’en tirer de l’humour. J’ai d’ailleurs très certainement plus ri devant ce pilot qu’avec beaucoup d’autres sitcoms.
Parmi les fulgurances comiques, il y a également très clairement des clins d’œil à la version originale vu certaines scènes et répliques très appuyées. La série semble ainsi tout à fait consciente de ses racines et de son histoire et c’est une manière tout à son honneur de tenter d’apprivoiser les fans de la première mouture. Dans le même temps, elle ne veut pas leur proposer la même soupe, et elle trouve également une valeur ajoutée dans les altérations qu’elle apporte aux fondations qu’elle récupère. Oui parce que millennial que je suis, j’ai pas le temps pour binger des VHS mais j’ai internet quand même et je me suis renseigné.
Les intrigues principales et la configuration de base que présente ce reboot de Dynasty sont globalement les mêmes que pour l’originale, mais incorporent des éléments qui les modernisent et enrichissent. Les Carrington sont donc la riche famille au centre de la narration, et comme pour l’original ce début s’attarde sur le retour des enfants Carrington auprès du patriarche Blake (Grant Snow) au domicile familial à l’occasion de son mariage avec, non pas sa secrétaire cette fois mais une collaboratrice au passé trouble. Le fils Carrington, Steven (James MacKay) est de plus, contrairement à la version 80s, d’office ouvertement gay. Les Colby sont ici toujours la famille rivale mais il s’agit cette fois d’une famille Afro-américaine avec laquelle Fallon (Elizabeth Gillies), l’autre héritière Carrington, ne perd pas de temps pour fricoter. Au milieu de tout ça, on retrouve également un personnage manifestement assez iconique de la version originale du nom de Sammy Jo, originellement joué par Heather Locklear et ici incarné… dans un style très différent.
Au delà des considérations sur le rapport de ce reboot à l’original, il faut l’admettre, Dynasty ne réinvente pas la roue avec ses intrigues. Elle peut toutefois compter sur un casting décent, notamment pour les jeunes Steven et Fallon Carrington dont la complicité fraternelle et malice est superbement portée par les interprètes. Elizabeth Gillies est d’ailleurs particulièrement délicieuse de bitchiness et ses confrontations avec Cristal, sa nouvelle belle-mère (Nathalie Kelley) s’annoncent savoureuses. C’est un plaisir aussi de retrouver Alan Dale dans le rôle du majordome résigné qui aide à souligner le sens de l’ironie de la série. Bémol néanmoins sur Blake Carrington qui bénéficie peut-être des charmes de vieux beau naphtalinesque de Grant Snow mais manque cruellement de substance et de motifs pour ses actions alors qu’il est censé être le cœur de la série.
En bref, ne brûlons pas tous les reboots, cette nouvelle mouture de Dynasty est un concentré de soap efficace, au juste milieu entre vieilles recettes et modernité. Ce qui lui donne son cachet et pourra faire la différence sur le long terme, c’est le recul que la série semble avoir sur elle-même, tout en assumant pleinement son genre. C’est ce qui lui permet d’injecter du comique dans son outrance pour la rendre d’autant plus exaltante.
7/10