Déjà scénariste et metteur en scène de théâtre, David Farr a décidé de passer à la réalisation avec London House, ce thriller glaçant dans une famille de milieu bourgeois en plein Londres.

London House – Septième Factory – 2017
Synopsis : Dans un quartier résidentiel de Londres, Kate et Justin, trentenaires bientôt parents, occupent un grand appartement au premier étage d’une belle maison bourgeoise. Lorsque Thérésa et Jon, un couple aisé également dans l’attente d’un enfant, emménagent dans l’appartement du rez-de-chaussée, les deux couples se lient d’amitié. Kate est fascinée par Thérésa mais au fil d’événements troublants, elle est envahie par un sentiment d’inquiétude qui va se transformer en un véritable cauchemar.
La naissance d’un enfant dans une famille réveille les peurs fondamentales dans un couple. Il y a une perte de contrôle dans sa propre vie, un isolement forcé de la mère qui doit porter l’enfant, s’exclure de son groupe d’amis, arrêter de travailler.
Il y a alors quelque chose de mortifère dans cette action de donner la vie, une sorte d’enfermement, de bulle qui se crée autour de ce couple qui vie dans ce petit appartement.La peur monte petit à petit, une angoisse que quelque chose va mal se passer dans cet univers sans horizon et maladif. Cela est sans doute mis en avant par le jeu tout en nuance de Clémence Poésy que l’on connait pour sa jeune et jolie interprétation de Fleur Delacour dans la saga Harry Potter. Ici, rien de frais et souriant, elle interprète une jeune femme sombre, fatiguée et au bord de la dépression. Son rôle de mère de famille semble mis en doute par une mère absente et désintéressée mais plus encore de son propre fait car elle a un caractère sensible qui la font douter de sa capacité à donner de l’amour à un enfant.
Ainsi on pause là les bases d’un scénario des plus banale, comment un jeune couple fait-il face à l’arrivée d’un enfant. Et cela aurait pu s’avérer très plat s’il n’y avait pas eu cette sensation glaçante et ce travail sur la sonorisation qui annonce les prémices d’un danger. Ainsi, le spectateur ressent qu’il va plonger dans un thriller angoissant et peut dès lors imaginer ce que deux paires de chaussures parfaitement alignées sur le palier des voisins du dessous va annoncer. Ces deux paires de chaussures, faites-y bien attention car elles sont un peu comme la clef de compréhension de toute l’intrigue. Les chaussures sont des objets symboliques à la fois de l’action, du « aller dehors » mais aussi de la propriété, du « chez soi » quand on les enlève et que peut-il bien se passer lorsque l’on essaye de s’approprier le « chez soi » des autres ?
Ainsi les voisins du dessous qui ont pour habitude, peut-être peu commune, de laisser leurs chaussures bien rangées devant leur porte d’entrée seront un peu la duplication opposée de Kate (Clémence Poésy) et Justin (Stephen Campbell Moore). Ils sont beaux, lumineux, classes, ils affichent tous les deux une image du couple parfait, vivant dans un cadre aseptisé et glaçant alors que le décor et la relation de couple des deux héros semble bancale et mise à risque par l’arrivée de l’enfant. Bien que Kate tombe sous le charme de sa voisine de palier le spectateur se doutera dès le début que quelque chose ne tourne pas rond et cela grâce à une mise en scène tout en nuance et en précision. En effet, il y a un jeu très intelligent sur le montage alterné entre ce que l’héroïne voit et fait et ce qu’elle devrait voir mais ne voit pas vraiment, trop absorbée par ses petits problèmes. On aimerait alors lui crier de fuir, de faire quelque chose mais il sera peut-être déjà trop tard…
Mettant en scène une sorte de dérivé de huit clos de l’horreur, London House est une très belle réussite cinématographique, un thriller digne de Hitchcock sous certains aspects, à la fois jubilatoire et glaçant.
8/10