Pitch c’est le pari sportif de la FOX cet automne, un drama dans l’univers du baseball qui se veut contemporain et accessible. Produite et co-créée par Dan Fogelman, l’homme qui ne chôme pas cette saison, ses débuts marquent déjà pas mal de points.

Pitch – FOX – 2016
Synopsis : L’incroyable histoire de Ginny Baker, une belle et robuste joueuse de baseball, qui se retrouve propulsée en Major League, une première pour une femme. Elle doit maintenant apprendre à gérer ses coéquipiers, qui voient son arrivée sur le terrain d’un mauvais oeil, mais aussi les affres de la célébrité. Elle est accompagnée par Amelia Slater, qui a laissé tomber sa carrière de publiciste à Hollywood pour se concentrer sur le jeune phénomène…
Je dois d’abord vous dire une chose : je déteste le sport. Sous quasiment toutes ses formes. Que ce soit pour le pratiquer ou le suivre. Et alors le baseball, autant vous dire que ça doit bien être l’un des derniers sports qui éveillerait le moindre intérêt sportif en moi. Pour avoir vu un match une fois, j’en ai simplement retenu que c’était long, chiant et incompréhensible. Une réjouissance athlétique extrêmement ancrée dans la culture américaine, difficilement accessible pour le monde extérieur. Mais la fiction, c’est quelque chose de merveilleux, vous savez. Quand elle est bien faite, elle peut stimuler votre curiosité et votre investissement émotionnel des manières les plus inattendues. Pitch partait donc avec pas mal de handicaps avec moi pour me séduire mais c’est là que sa prouesse est d’autant plus belle. Le pilot atteint en plein cœur son audience en nous parlant avant tout d’un parcours de vie et en nous faisant le portrait d’une jeune femme qu’on peut, d’une part, admirer et à laquelle on peut s’identifier également.
La série accroche aussi par son intrigue originale, chargée d’idéaux progressistes. Ginny Baker, incarnée par Kylie Bunbury (Under The Dome, Twisted), est ainsi la première femme choisie pour rejoindre une équipe de Major League de baseball aux Etats-Unis, et doit composer avec la pression médiatique et les appréhensions de ses coéquipiers. Sans se faire directement passer pour un emblème féministe, Pitch est donc beaucoup focalisée sur la confrontation d’une femme à un univers d’hommes et ses difficultés pour s’y imposer. Ce n’est pas un sujet nouveau mais il s’agit rarement de l’élément central d’une série et encore moins d’une série dans le monde du sport. Il s’inscrit en tout cas toujours dans l’air du temps. Par ailleurs, c’est vrai que cela commence à devenir plus facile aujourd’hui sur les grands networks américains mais la série a aussi le mérite de miser sur une afro-américaine – encore relativement inconnue, qui plus-est – en tant que lead.
Bref, on ne regarde pas simplement une série sur le baseball avec Pitch… mais elle travaille plutôt efficacement à nous le faire découvrir sans être trop pompeusement didactique. Elle réussit très bien à planter ce décor parce qu’elle nous le présente à travers le regard de Ginny et ce dès une introduction plus qu’efficace. Rapidement, on fait connaissance avec la jeune joueuse, sans qu’elle ait à dire quoi que ce soit, et on saisit en même temps l’importance des enjeux qui reposent sur elle. Le baseball en devient ainsi captivant du fait de ces enjeux uniques et élevés que le personnage de la publiciste de Ginny, jouée par Ali Larter, et des dirigeants de l’équipe des Padres aident à retranscrire. Ceux-ci ne passent pas non plus pour des simples outils narratifs, permettant également des moments plus légers et possédant également leurs propres motivations. Ils ajoutent aussi une dimension politique à la série et présentent la venue de Ginny chez les San Diego Padres comme une décision non seulement liée à ses performances mais aussi d’image et de business. Ils offrent, de ce fait, un aperçu sans concession des coulisses du baseball qui en font un cadre propice aux luttes de pouvoir et coup-bas.
En outre, les flash-backs sur l’enfance de Ginny, bien qu’attendus, nous font comprendre ce que le baseball représente pour elle, à quel point ce sport est toute sa vie. L’écriture ajoute aussi de la nuance à cette passion, suggérant qu’elle a impliqué des sacrifices pour Ginny. Son talent s’avère même parfois un fardeau, menant à une relation conflictuelle avec son père. Rien de très surprenant là-dedans, mais cela n’en rend Ginny que plus humaine et attachante. On découvre d’ailleurs bien qu’elle a plusieurs facettes dès ce pilot. D’une part, elle n’est pas arrivée où elle est par hasard, grâce à ses entraînements intensifs qui l’ont renforcée et lui ont forgé un caractère bien trempé. Elle ne manque pas de le dévoiler face à l’arrogance du capitaine de l’équipe, interprété par Mark-Paul Gosselaar (Sauvés par le gong, NYPD Blue, Franklin & Bash) avec qui elle forme déjà un duo explosif. D’autre part, elle reste faillible, fragilisée par la peur de l’échec et les attentes du public et de son entourage. Pitch nous embarque donc dans ses séquences de match en suscitant toute notre empathie pour Ginny grâce à ces sentiments universels : le trac, la volonté de se dépasser, la peur de décevoir.
En bref, la force du pilot de Pitch, que l’on retrouve d’ailleurs dans This Is Us, l’autre série de Dan Fogelman, c’est ce prisme humain pour aborder ses sujets. Il nous fait d’abord ressentir, connecter avec ses protagonistes pour mieux comprendre ensuite les univers dans lesquels ils évoluent et pourquoi ils méritent notre intérêt. Le coup d’envoi est donc réussi pour Pitch et si elle conserve ce niveau, la série est bien partie pour réaliser un home-run (désolé, les jeux de mots sportifs sont ici un peu contractuellement obligatoires).
8/10