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[Séries Mania S7] Au-delà des murs : un conte moderne fantastique

Hervé Hadmar et Marc Herpoux sont un duo de scénaristes singulier à la télévision française. Là où beaucoup choisissent la voie de la facilité en s’adaptant aux besoins des chaînes, eux ont réussi à percer avec leur propre vision de la série télévisée. Ils proposent des univers particuliers côtoyant souvent le fantastique, mais ayant toujours pour base le réel. Ce qui amène des situations particulières, que ce soit par les histoires ou certaines scènes très esthétisantes. Avec Au-delà des murs, co-écrite avec Sylvie Chanteux, ils reviennent avec une production ambitieuse pour Arte, un triptyque prenant la forme d’un conte merveilleux.

Au-delà des murs - Veerle Baetens

Au-delà des murs – Arte – 2016

Synopsis : Lisa, une orthophoniste solitaire, se voit léguer une villa par une personne qu’elle ne connaît pas. Elle décide alors de quitter son appartement malgré l’état délabré du manoir, qui se situe juste de l’autre côté de sa rue. En s’y installant, elle découvre une pièce cachée, révélatrice d’un tout nouveau monde dont il est difficile d’échapper quand on y est rentré.

Je vais être tout de suite honnête, je n’aimais pas jusque-là l’univers de ces deux scénaristes. Si je n’ai pas vu la série qui les a mis sur le devant de la scène (Pigalle, la nuit), j’ai suivi Les Oubliés et Signature et suis resté de marbre face à leur manière de raconter, le parti pris esthétisant des visuels, ou les personnages. C’est donc par hasard que je me suis retrouvé à la projection d’Au-delà des murs, pour combler un vide dans mon programme de Séries Mania où rien d’autre n’était proposé pour moi à ce moment-là. Si j’arrivais avec des à priori plein la tête, dans le seul but de pouvoir descendre une série dont j’aurai pu en plus voir l’intégralité, c’est un tout autre avis qui s’est révélé à moi durant cette projection.

Les auteurs eux-même décrivent la série comme un conte merveilleux. Si je n’aurai pas pensé à la définir comme cela, cette qualification lui correspond parfaitement. Comme tout conte, il faut faire abstraction du réel, ce qui peut être d’autant plus compliqué que l’histoire prend place dans le monde actuel. Il faut accepter de se laisser porter par l’histoire, malgré quelques incohérences ou choix narratifs que la logique balaierait d’un seul coup. Et, contrairement aux deux autres séries de leurs plumes que j’avais pu voir, cette fois-ci le voyage a fonctionné.

Très dubitatif au début (les a priori aidant?), et notamment à la vue de la maison qui paraît tout droit sortie d’un train fantôme, je suis la mise en place de l’intrigue. L’histoire nous présente Lisa (Veerle Baetens) une femme asociale, qui prétend être mariée pour justifier son indisponibilité aux invitations de ses collègues pour sortir après le travail. Elle se voit léguer une villa, par une personne qu’elle ne connaît pas, et décide, malgré l’état de délabrement avancé de cette maison, d’y habiter. Elle découvre alors un passage caché à l’intérieur du manoir, qui va la faire rentrer dans un tout autre monde. C’est à partir du moment où elle accède à ce monde que la série se révèle vraiment.

La maison… On ne peut que féliciter le réalisateur (Hervé Hadmar), le chef opérateur et les décorateurs pour leur fantastique travail qui permet une immersion totale dans ce monde imaginaire. C’est tout simplement magnifique ! On y trouve une ambiance rappelant Resident Evil (les jeux vidéos bien sur, pas les films) tout en ayant sa propre personnalité. Logique finalement, puisqu’Hervé Hadmar et Marc Herpoux nous ont confié que l’univers de ce genre de jeux avaient été pour eux une source d’inspiration. L’autre grande force de la maison est de proposer des pièces toutes plus singulières les unes que les autres ; on en vient d’ailleurs à languir la prochaine ouverture de porte, pour y découvrir ce qui se cache derrière. Pour ce faire, c’est un travail titanesque qui a été effectué, puisque la maison est en réalité la combinaison de pièces issues de douze châteaux différents. Des pièces qu’il a fallu décorer, certes, mais dont il a aussi fallu effacer numériquement les fenêtres pour retranscrire l’atmosphère confinée, hors du temps et du monde, qui participe beaucoup à l’ambiance de conte voulue par les auteurs. Toute la partie qui se passe dans la maison est époustouflante, à tel point que quand Lisa en sort une première fois, on en vient à vouloir qu’elle y retourne. Véritable pilier de la série, la maison est un personnage à elle-seule. Mais elle ne prend pas pour autant le pas sur l’héroïne, qui au lieu de la subir comme c’est le cas dans la plupart des formats de ce genre, tente par tous les moyens d’en sortir en agissant, aidé en cela par un habitué des lieux, Julien (François Deblock). Une autre volonté affirmée des scénaristes pour se démarquer des classiques.

Le duo Lisa/Julien fonctionne bien. On les suit avec plaisir explorer la maison, tout comme Julien expliquer à Lisa ses découvertes faites jusque ici. Ce qui les amènera dans une pièce où ce dernier a élaboré le plan gigantesque des lieux du manoir qu’il a déjà visité. On peut rester sceptique devant cette démarche, mais personnellement, ça ne m’a pas du tout dérangé.
Leur but, via une énigme biblique, est de retrouver une pièce possédant une porte rouge, passage qui les remmènera dans le monde réel. Afin de reposer l’esprit du téléspectateurs, la série propose une trêve, qui amènera nos héros dans un extérieur. Là, Lisa y retrouve sa sœur, morte dans le monde réel, et elle se voit obliger de revivre une scène des plus dur pour casser l’illusion et pouvoir recouvrer sa liberté. Une scène voyant Lisa aspirée par les abysses arrive alors, qui rappelle grandement l’esthétique des autres productions du tandem de scénaristes. La longueur et l’onirisme ici trop présent dans cette scène, ont fait que je n’y ait pas trouvé d’utilité, et m’ont rappelé que c’est leur trop grande présence dans leurs autres œuvres qui, en partie, fait que je n’y adhère pas.

La fin, comme toute histoire jouant avec le voyage dans le temps, se voit confronter à la véracité du propos tenu scientifiquement parlant, et par là-même occasion à la logique des enchaînements, afin de déterminer si, dans son traitement fantastique, la série garde un semblant de réalisme. Personnellement, j’ai un faible pour les histoires jouant sur ces notions, et est donc tendance à pardonner plus facilement les incohérences liées à cela, tant que le global se tient. Et pour moi, c’est ce qu’il se passe. Cette fin est belle, symbolique, mais malheureusement gâchée par un « Mange, bois, aime » de Julien à Lisa. Etant pourtant loin des considérations à la mode, cette phrase a fait résonner un certain « Eat, Pray, Love » (Mange, prie, aime) dans ma tête et a gâché un monologue final qui m’avait bien plu jusque-là. J’ai pu poser la question à Hervé Hadmar sur le pourquoi de ce choix. En fait, il n’y a aucune référence au livre d’Elizabeth Gilbert (2006) ni au film de Ryan Murphy (2010). C’est une manière de résumer en trois mots forts ce qu’il faut faire pour profiter de la vie. Si l’intention est bonne, quand on a les deux références sus-citées en tête, ça passe beaucoup moins. 

Après un début qui semble hésitant, mais nécessaire au final pour ancrer le téléspectateur dans le réel avant de le transporter dans un autre monde, Au-delà des murs dévoile l’étendu de son talent par la qualité du décor de la maison, tant sur le plan créatif que visuel. Si la série n’échappe pas à quelques longueurs ou scènes où l’onirisme est poussé trop loin, elle n’en demeure pas moins efficace et réussi à restituer parfaitement  l’atmosphère de conte merveilleux voulu par les auteurs, tout en mélangeant habilement réel et fantastique.

7/10

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