C’est le high profile drama de cet été. Un projet de cœur pour Baz Luhrmann, après plus de dix ans de développement. Le réalisateur de Roméo+Juliette et Moulin Rouge, et plus récemment du remake de Gatsby le Magnifique, signe cette fois son nouveau projet pour la télévision en duo avec Stephen Adly Guirgis. La première partie de la saison 1 (6 épisodes) de The Get Down a été mise en ligne par Netflix le 12 août. Le résultat est-il à la hauteur du potentiel affiché ?
Synopsis : Dans le Bronx des années 70, un lycéen très doué en littérature va se découvrir un talent inné pour le Rap, style alors naissant issu d’une combinaison entre samples de disco côté instrumental et paroles improvisées.
Comme dans Moulin Rouge, la série commence par un flash forward mettant en scène le héros principal, qui dans une sorte de mise en abîme nous introduit le contexte de ce qu’on va regarder, à savoir son enfance, alors qu’il était encore au lycée. Personnellement je ne suis pas fan de cette technique, surtout dans une série, où le chemin pour rejoindre cet accomplissement peut être long. Mais le choix peut se défendre, en se disant qu’il est parfois intéressant de suivre le parcours du protagoniste tout en sachant ce vers quoi il tend.
Le problème c’est qu’ensuite, la série va enfiler les clichés comme des perles amenant des scènes proches du ridicule, notamment lorsqu’il s’agit de mettre en scène Herizen F. Guardiola. Non pas que ce soit de sa faute, mais quand on a des scènes rappelant les dessins animés Disney – quand elle se met à chanter seule sur son balcon, les cheveux dans le vent en regardant l’horizon – on ne voit de toutes façons personne capable de crédibiliser une telle scène (et ce n’est pas la seule). La série est une comédie musicale sans l’être – les moments musicaux étant très rarement hors histoire – je veux dire par là que les personnages ne se mettent pas à chanter et danser au milieu d’une rue ou d’une école, mais sur scène dans une église, un club ou en studio. Alors pourquoi une comédie musicale ? Car les personnages semblent tout droit sorti de West Side Story, le charisme en moins. C’est guimauve, c’est niais, c’est prévisible… Chaque tentative de faire original – dans l’esthétique, évidemment pas dans l’histoire, semble au mieux mal utilisé/intégré, au pire inutile. Dans le premier cas, on trouve notamment les images d’archives qui ponctuent tous les épisodes, dans le second les déplacements de Shaolin Fantastic (Shameik Moore). La faute ? Avoir pris comme base le comic Hip Hop Family Tree d’Ed Piskor pour l’esthétique et l’avoir transposé à l’écran. Je ne critique pas le comic en lui-même (que je n’ai pas lu), mais dans la série ça donne une esthétique très chargée et des personnages exagérément exubérants.
Tous les personnages sont formatés. On a l’adolescent doué pour les mots amoureux de la fille douée pour le chant. Ils s’aiment mais se tournent autour pour rien. Les deux familles sont aussi des petits bijoux dans leurs écrins. Du côté du héros, un oncle désabusé, qui ne comprend pas les rêves de son neveu, et qui veut que ce dernier revienne dans la réalité, et une tante qui tente de juguler son tempérament. Ses parents ? Morts, bien sûr. Du côté de l’héroïne, les parents sont bien vivants. Mais le père, homme d’église, ne voit bizarrement pas d’un bon œil la volonté de sa fille de devenir chanteuse de Disco et de porter les robes qui vont avec. La mère prend du coup un peu le même rôle que la tante sus-citée avec un petit plus : le frère de son mari est un escroc qui s’est fait beaucoup d’argent, et … dont elle est secrètement amoureuse. C’était trop simple sinon. On lui reconnaîtra que celui qu’elle a choisit est (très) légèrement intégriste. Ce dernier est d’ailleurs interprété par Giancarlo Esposito qui a décidément du mal à retrouver un rôle à sa mesure après Breaking Bad. Seul personnage à sortir du lot, Boo-Boo (Tremaine Brown Jr.) et sa vision du graffiti en tant que street art. Cet aspect est bien géré puisque si pour les protagonistes le graffiti est un moyen d’exister en quelque sorte et une véritable œuvre d’art (il n’y a qu’à voir leur fierté de voir passer un métro/train avec un de leur tag dessus), on a du mal a voir l’œuvre d’art à l’écran puisqu’ils sont juste des mots stylisés et non des dessins complexes comme il en existe aussi. Du coup, c’est le seul aspect où la série se la joue humble et sobre, et non pas « je tague une reproduction parfaite de la Joconde en 5mn ».
Pour l’histoire plus générale, on assiste subtilement à un affrontement manichéen. On passera évidemment sur le fait que pour poser une musique, aucune répétition n’est nécessaire. Tout vient naturellement aux chanteurs, comme aux musiciens sauf une fois ; pour les premiers pour la préparation du battle final, et les seconds, quand Shaolin Fantastic s’entraîne pour obtenir le Get Down (ce qui dure une journée en gros). Ce qui est aussi habituel que dommage dans les séries comme au cinéma. On notera en revanche que l’équipe s’est entourée d’artistes de renom côté DJs pour préparer les acteurs à leur rôle. Ainsi un stage d’entraînement avec Grandmaster Flash (interprété dans la série par Mamoudou Athie), Kurtis Blow et Nas a été mis en place pour coacher les acteurs.
L’histoire donc, c’est celle du jeune héros torturé qui veut sortir avec l’héroïne talentueuse ; les deux voulant réussir dans la musique. On notera quand même que Luhrmann ne pousse pas le vice à nous proposer un affrontement « jeune nerd impopulaire vs superbe capitaine cheerleader« , puisque les deux semblent respectés au lycée. Pour le reste, ils n’ont aucune difficulté majeure à affronter, puisque chaque fois qu’ils rencontrent un problème, et ce quelque soit sa taille, il est résolu en cinq minutes, et la plupart du temps de manière complètement improbable. On en vient donc très vite à ne plus s’inquiéter pour nos héros. Aussi, à force de trop copier ses influences, on en arrive à un fort sentiment de déjà-vu, voir de plagiat. J’ai déjà mentionné West Side Story, on m’a aussi parlé d’un fort rapprochement avec Dirty Dancing.
Si l’idée de base était intéressante, avec la possibilité d’une fresque populaire du Bronx des années 70 corrélée à la montée en force du Disco et du Rap, le premier étant rarement vu comme un genre musical social majeur, la réalisation est toute autre. Les personnages sont creux, car pastiche de héros les précédents sans leurs charismes. La faute en revenant à l’écriture et non aux acteurs qui essayent tant bien que mal de se débrouiller avec ce qu’on leur propose (avec un bémol pour l’acteur principal Justice Smith). On se retrouve donc avec une série convenue, aux rebondissements improbables favorisant toujours les héros, à l’esthétique très (trop) chargée avec un mélange de flash forward en introduction, d’images d’archives d’informations avec la voix off associée et l’histoire elle-même qui n’amènent pas grand chose au final. On retrouve quand même la patte du réalisateur de Moulin Rouge qui s’est chargé du pilote. Pour les fans de Baz Luhrmann et de l’atmosphère des comics, ça peut donc peut être passé. Sinon, c’est à oublier.
3/10