Séries/Tout commence avec un pilot

[Pilot] Crazy Ex-Girlfriend: un peu, beaucoup, à la folie

Crazy Ex-Girlfriend - The CW - 2015

Crazy Ex-Girlfriend – The CW – 2015

Ladies and gentlemen, je vous demande un tonnerre d’applaudissements pour la newcomer mais déjà culte Rachel Bloom, rien de moins que la sauveuse de cette rentrée séries des networks particulièrement maussade. A la fois co-créatrice, scénariste et actrice principale de ce petit ovni qu’est Crazy Ex-Girlfriend, son entrée en scène ne passe définitivement pas inaperçue.

En grand réfractaire des teenageries de la CW, chaîne mineure américaine qui a longtemps été à mes yeux terriblement creuse et superficielle, je dois bien dire que je m’attendais franchement pas à me retrouver à chanter les louanges d’une de ses séries. C’est un peu comme si Enora Malagré se retrouvait à vous vendre les vertus d’NRJ12. Mais il faut le reconnaître, sous l’ère Mark Pedowitz, la CW est en train d’évoluer pour devenir un network bien plus intéressant et mature, comme le décrit très bien la journaliste américaine Mo Ryan dans un récent article de Variety.

Le fait est que Crazy Ex-Girlfriend ne ressemble pas vraiment à ce à quoi la chaîne avait pu m’habituer. La vérité c’est qu’il ne s’agissait même pas d’une série développée pour la CW originellement mais pour le câble, sur Showtime (donc au fond, je ne faillis même pas tant à mon code d’honneur sériephile, je peux ranger le matériel d’exorcisme). Elle y trouve néanmoins sa place par son côté comédie romantique (même si elle le traite de façon plus parodique qu’autre chose), en phase avec la cible féminine traditionnelle de la CW et j’imagine que Pedowitz s’est décidé à la repêcher dans sa logique de repostionnement de la chaîne, lui aussi voulant sa part de l’âge d’or télévisuel. Reste que dans l’ensemble on est bien loin des standards de la chaîne. On est un cran au-dessus de la moyenne d’âge lycéenne, la distribution n’a pas l’air tout droit sortie de défilés de Victoria’s Secret et d’Abercrombie & Fitch, on ne lésine pas sur l’humour jusqu’à frôler l’absurde… et bref, ce mix un peu dingue est au final plus que rafraîchissant et ne ressemble d’ailleurs à rien d’autre à l’antenne. Pour moi, c’est un changement plus que bienvenu mais pas sûr que le public la CW soit du même avis et peut-être Pedowitz a-t-il ajouté là une dose d’esprit et d’irrévérence de trop pour ratisser large chez les adolescentes décérébrées.

Rachel Bloom - Crazy Ex-Girlfriend

Rachel Bloom – Crazy Ex-Girlfriend

La réussite créative n’en reste pas moins indéniable et Marco aura toujours de jolis articles de presse pour se consoler et éventuellement un Golden Globe si le miracle Jane the Virgin-ien de la saison passée se reproduit. Il fallait en tout cas bien quelqu’un de la trempe de Rachel Bloom pour vendre une anomalie télévisuelle pareille. Cette tornade brune, quasiment inconnue au bataillon, est ce que tout amateur de bonne télévision a toujours voulu sans le savoir. Elle porte à bout de bras ce pilot nous introduisant à Rebecca Bunch la fameuse ex-girlfriend du titre (certainement l’un des rares ratés de la série). On aurait pu craindre que les épaules d’une seule femme soient trop frêles pour supporter le poids d’un concept aussi incongru mais ces doutes sont balayés dès les premières minutes. Rachel Bloom est une show-woman née qui sait parfaitement ce qu’elle fait avec sa série. Elle réussit à la fois à nous amuser et à nous intéresser avec cette jeune femme un peu paumée, au grain de folie communicatif. On se surprend à adhérer à toutes ses excentricités parce que le personnage, aussi déluré soit-il, n’est pas totalement idiot. Au fond d’elle, Rebecca est consciente de son irrationalité bien qu’elle ait du mal à l’admettre. La série cherche alors à nous faire rire avec elle, dans sa quête amoureuse improbable, plutôt que d’elle.

Crazy Ex-Girlfriend - CW - 2015

Crazy Ex-Girlfriend – The CW – 2015

Les séquences musicales s’avèrent des outils tout trouvés pour cette mission, réunissant ce qu’il faut de fantaisie, d’enthousiasme et de second degré pour créer une complicité avec le téléspectateur. La série y recoure en reprenant les codes des comédies musicales, les personnages se mettant à chanter sans raison apparente, les décors se modifiant en conséquence, des danseurs faisant leur apparition, etc. avec des moyens de production plus que convaincants et des paroles terriblement catchy (je vous mets au défi de ne pas fredonner West Covina ou The Sexy Getting Ready Song après les avoir entendues). Tout le monde n’y trouvera probablement pas son compte, la série se déconnectant de tout semblant de réalisme par ces effets, ce qui peut être rebutant pour qui chercherait à trouver du sens dans tout ça. Dès le pilot, on peut toutefois être rassuré de voir que la série ne compte pas se restreindre à un genre musical en particulier, passant de Broadway au RNB. Enfin, elle ajoute au tout un humour décalé ravageur qui fait la différence.

Ma principale réserve, je l’émettrai sur la capacité de la série à pouvoir fonctionner sur la durée. Si l’entrée est faite en fanfare (littéralement), pourra-t-on compter sur des numéros du même calibre par la suite vu que ce pilot a été conçu avec des moyens du câble ? Léger bémol, par ailleurs, le reste du casting est quelque peu éclipsé par Rachel Bloom, à l’exception peut-être de Donna Lynne Champlin (Paula) qui lui servira manifestement de sidekick. J’ose alors espérer que la série saura muscler un peu les autres personnages pour ne pas qu’ils servent uniquement de faire-valoir à Rebecca.

En bref, dans un sens, Crazy Ex-Girlfriend est tout ce qu’aurait dû être Galavant. Elle promet une parodie gentiment loufoque d’un genre de fiction bien connu. Elle tord le cou aux lieux communs de la comédie romantique mais toujours avec un irrésistible entrain insufflé par Rachel Bloom. Son format musical, aux numéros de qualité, font son originalité et devrait ravir tous les nostalgiques de Smash. Pas de chance pour Pedowitz, ils ne doivent pas être bien nombreux.

8/10

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