C’est lors d’une rencontre à Fontainebleau, à l’occasion du Festival Série Series, que Todd A. Kessler, co-créateur de Damages et Bloodline, est revenue sur ses deux séries phares.
Damages était diffusée d’abord sur la chaîne câblée FX puis l’opérateur satellite DirecTV. Bloodline quant à elle est disponible sur Netflix depuis mars dernier. Ces services ont des modes de diffusion différents entre la diffusion hebdomadaire pour leur legal drama et le binge-watching possible grâce à la mise à disposition de toute la saison sur Netflix. À ce propos, Kessler est revenu sur les changements qu’il a fait avec ses frères, Glenn et Daniel Zelman, lors de la création de leur dernière série. Ils ont pensé Bloodline comme un film de treize heures au sens où ils n’avaient pas besoin d’avoir un pilot dynamique pour retenir l’attention du spectateur jusqu’à la semaine suivante dans la mesure où les douze épisodes suivants sont déjà disponibles. De ce fait, ils ont imaginé une saison structurée en trois arches du pilot à l’épisode quatre, puis du cinq au huit et enfin du neuf au final. Abandonner après les quatre premiers épisodes revient à quitter une salle de cinéma au bout d’un quart d’heure.
De plus, dans la mesure où le spectateur a la possibilité de regarder l’intégralité de la saison en un weekend, le trio n’a pas ressenti le besoin de rappeler des détails de l’histoire faisant confiance à la mémoire du spectateur qui vient de voir les épisodes, contrairement à un téléspectateur qui doit se souvenir d’un élément vu dans un épisode diffusé il y a huit semaines par exemple. Donc pas besoin des « previously » en début de chaque épisode.
Ils n’ont pas cherché à impressionner le spectateur dès le premier épisode comme peuvent le faire certaines séries comme The Walking Dead avec des scènes chocs. Le début de la série est calme pour permettre de comprendre ce monde que nous découvrons. Cela permet de donner aux spectateurs un temps pour appréhender et explorer cette famille. Mais le pilote reste pour lui un épisode très important.
(Spoilers sur le pilot) Selon lui, ce n’est pas un problème de dévoiler à la fin du pilot de Bloodline que quelque chose d’horrible s’est produit. Ce n’est pas le cœur de la série. Ce n’est pas un « whodunit » où l’on recherche qui a commis le crime, comme c’est le cas dans Broadchurch ou The Killing, mais on s’intéresse au « pourquoi, quelle(s) cause(s) a/ont mené à cela ». On nous dévoile rapidement ce qui se passe, mais c’est la question de la cause qui retient l’intérêt du spectateur tout au long de la saison.
Cependant, le plus important dans Bloodline est la famille. Le trio de scénaristes voulaient écrire un drame familiale et exposer leurs problèmes. Ils ont souhaité explorer l’idée de la brebie galeuse de la famille qui revient avec Danny, le personnage de Ben Mendelsohn, montrer les secrets de chacun et que ce que nous voyons à l’extérieur ne reflète pas l’intérieur, la vérité.
(Spoilers sur la saison 1 et 2) Au cours de la saison, leur défunte sœur Sarah apparaît à plusieurs reprises à Danny comme une vision de l’au-delà pour l’aider dans sa réflexion, maintenant qu’il est mort également, Kessler a été interrogé sur la présence du personnage dans la saison 2. Danny sera de retour dans la prochaine saison mais pas de la même manière que Sarah, pas sous cette forme. Cela veut-il dire plus de flashbacks ? C’est probable car cette saison explorera davantage le passé sous cette forme et même des moments durant la saison 1 que nous n’avons pas vu. Les flashforwards se feront plus rares. Ils s’attarderont surtout sur la mort de Danny et les conséquences de celle-ci.
La Floride et plus particulièrement les Keys ont été choisis pour le contraste entre leur apparence paradisiaque et la tonalité des intrigues sombres de la série. De plus, la ville est située entre Miami et Keywest donc il y a des touristes mais pas énormément comme dans ces deux autres villes, et ils voulaient cette atmosphère de petite ville où les secrets sont cachés. De plus, peu de tournage y ont eu lieu, donc c’était l’occasion de faire découvrir de nouveaux paysages aux spectateurs. La météo a également un rôle important dans la série, et en Floride ils peuvent jongler entre fortes chaleurs, où les personnages vont bien transpirer, et les tempêtes.
Todd A. Kessler ne se cache pas d’être un grand fan de Friday Night Lights, mais ce n’est pas pour autant qu’il visualisait Kyle Chandler quand il a écrit le rôle de John. Ils ont rencontré beaucoup d’acteurs avant de choisir Kyle. Mais Kyle était familier pour lui et c’est un peu une continuité du coach Taylor.
Enfin, Todd A. Kessler nous a parlé du système américain et en particulier des audiences qui gouvernent (comme dans plein d’autres pays). Concernant Damages, ils avaient prévu cinq saisons et ils avaient en tête que la dernière serait un affontement entre Ellen Parsons (Rose Byrne) et Patty Hewes (Glenn Close). Comme les américains tournent en flux tendus, c’est-à-dire que l’écriture et le tournage de la saison continue pendant la diffusion, ils ont senti que la troisième serait la dernière à cause des audiences en chute libre. Alors ils ont modifié leurs plans et ils ont décidé de tuer Tom Shayes (Tate Donovan), le bras droit de Patty alors qu’ils pensaient garder l’idée pour la prochaine saison. Ils ont eu raison, FX a annulé la série mais DirecTV l’a récupérée pour deux saisons supplémentaires et ils ont pu avoir l’affrontement qu’ils rêvaient dans la dernière saison.
Pour Bloodline, ils ont présenté la série à Netflix avec six saisons en tête. Ils ont des idées pour chaque saison et les éléments importants d’une saison qui entraînera les thèmatiques de la suivante mais rien de précis. Ils ne savent même pas s’ils pourront aller jusque-là.
D’ailleurs, il est intéressant de noter que Netflix a commandé les treize épisodes sur la seule base de cette présentation. Le pilot n’avait pas été écrit et ils ont convaincu le diffuseur et le casting de signer sans scénario. Contrairement au système traditionnel où la chaîne commande le scénario du pilot, le tourne si elle est convaincue et après plusieurs essais publiques, commande une saison entière ou non. C’est ce qui s’est passé pour Damages, ils ont attendu trois semaines entre la fin du tournage du pilot et le coup de fil.
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