Séries

Bloodline (Saison 1) – Vilain petit connard

Bloodline saison 1 Danny et John

Bloodline – Netflix – 2015

Todd A. Kessler, célèbre pour son inoubliable rôle de portier dans Damages et accessoirement connu pour avoir co-créé la série, nous est revenu cette année avec Bloodline sur Netflix. Invité du festival Série Séries à Fontainbleau pour une 4e édition ardente , l’occasion est toute trouvée pour revenir sur une première saison imparfaite mais imbattable sur le niveau d’humidité.

C’est l’histoire d’une belle arnaque. Belle, sincèrement, « belle » j’entends. Elle se déploie avec beaucoup d’esthétisme et d’efficacité. Elle n’en reste pas moins une arnaque. En même temps, c’est normal, avec des spécialistes en la matière. Ces chers KZK (oui, on s’en tiendra à KZK, parce que bon, quand on ne sait pas créer des séries seuls, comme des grands, on ne mérite pas plus qu’une appellation par acronyme) nous avaient déjà fait le coup pendant les 5 ans de Damages avec une certaine maestria (ok, assez fluctuante selon les saisons, je vous l’accorde).

Cette année et dans le cadre de l’offre offensive de Netflix, digne d’un lâcher de fauves, les KZK rempilent donc avec Bloodline ou « La Ligne De Sang », probable titre québécois. Non ce n’est pas une série sur des hémophiles cocaïnomanes, mais bien tenté. Bloodline se présente comme un drame familial aux accents de thrillers « comme jamais il n’en a été fait auparavant » en Floride.

Avec une description pareille, on était en droit d’attendre un soap neo-noir chargé d’une moiteur oppressante, d’un véritable enfer au paradis nous tenant en haleine de bout en bout, explorant les tréfonds des dysfonctionnements familiaux. Au moins. Mais que nenni. Bloodline, ça a bel et bien déjà été fait, c’est de la saga de l’été CSP+ si vous voulez.

Danny Rayburn - Bloodline - Netflix

Danny Rayburn – Bloodline – Netflix

C’est au final surtout l’histoire de Danny Rayburn, rejeton mal-aimé de la fratrie Rayburn. Enfin, officieusement. La version officielle, c’est qu’il s’agit de suivre le clan Rayburn dans son intégralité. Alors oui, dans les faits Bloodline fait tout pour respecter cette partie du contrat et elle en fait peut-être même un peu trop. Au fil des 13 épisodes de la saison, et surtout du ventre mou de mi-saison, on sent que c’est, tout compte fait, une contrainte créative auto-imposée que les auteurs regrettent déjà. Et qu’ils se forcent un peu beaucoup.

On les sent plus intéressés et inspirés par cette ordure de Danny que les autres membres de sa famille qui restent assez passifs et compartimentés, globalement. A l’exception du personnage de Kyle Chandler aka ce cher Coach Taylor, mais ça certainement parce que KZK ont dû l’écrire avec le flingue des fans de Friday Night Lights sur la tempe.

Puisqu’ils se sont engagés à nous parler d’une famille et qu’il tenait à cœur aux KZK de traiter des dynamiques fraternelles, il fallait donc bien aussi nous pondre une galerie de personnages un minimum consistante en plus du frère à problèmes. C’est là qu’ils se sont rendus compte que les promesses, ça craint. Mais peut-être un peu moins en bord de mer et dans le climat tropical de Floride, représenté sous toutes ses coutures à l’écran. Pour un fan de ce genre de carte postale, ça aide à rendre l’excès d’exposition et les intrigues secondaires ronflantes à base d’adultère et de problèmes financiers, plus supportable. D’autant que l’équipe de la série, déplacée sur place même pour tourner, s’est vraiment évertuée à retranscrire au mieux l’ambiance à la fois moite, lumineuse et étouffante du cadre. Pour les autres, il y a Fargo.

Tout cela se traduit à l’écran par un minutieux et magnifique portrait d’une enflure, accidenté de la vie, qui revient en fils prodigue chez sa riche famille des Keys… mais aussi un ensemble show boiteux, où tous les autres personnages n’ont de valeur qu’à travers le prisme de Danny. Sauf Coach Taylor. Un peu.

Bloodline saison 1 - le clan Rayburn

Bloodline saison 1 – le clan Rayburn

Heureusement, d’ailleurs, que la série peut compter sur un casting 4 étoiles pour les faire exister un tant soit peu par eux mêmes. Ils rendent les confrontations avec Danny d’autant plus réussies et intenses. Notamment quand ils sont tous réunis (cette scène de la cuisine en fin de saison !) mais également séparément. Ben Mendelsohn, grande révélation de la série, reste néanmoins celui qui surclasse tout le monde tant il est brillant d’ambivalence et endosse le costume de grand salaud avec beaucoup de conviction. Bon et puis Coach Taylor. Un peu. Leur duo porte véritablement la série et donne parfaitement vie à l’enjeu majeur de leur lien fraternel meurtri.

Ce qui est aussi particulièrement intéressant dans les rapports aux différents membres de la famille, c’est qu’il ne s’agit pas d’oppositions simplistes et que le ressenti de chacun sur Danny s’avère assez complexe. C’est là que la série exploite efficacement le drame originel au cœur duquel s’est retrouvé Danny et qui a affecté la vie de tous les Rayburns. Pour tous les coups foireux qu’il met en place, il est également une victime du passé et de sa famille, ce que cette dernière ne sait que trop bien. Toute la saison tend ainsi vers une démonstration de plus en plus violente de cette idée, s’éloignant de tout manichéisme pour nous interroger sur qui sont les véritables méchants, les vrais fautifs de l’histoire.

Là-dessus, la série tient bien les promesses du teasing par flashforward, avec cette narration qui s’accélère en fin de parcours pour conduire à la conclusion inévitablement tragique. Ce qui est ironique en l’occurrence puisque dans Damages, elle était généralement là l’escroquerie sur la marchandise. Dans les deux cas, la gestion du suspense reste très bien maîtrisée, quoi qu’on en dise, peut-être même mieux dans Bloodline, plus économe et stratégique sur ses effets temporels. Parce que mine de rien, je suis prêt à parier que même les plus ennuyés par les longueurs marécageuses du récit, ont tenu le coup, un minimum curieux d’en savoir plus sur le terrible événement final annoncé.

La scène clé, à la base des répercussions dramatiques, aperçues en flash constitue quant à elle une apothéose grandiose d’intensité qui vaut toute la construction scénaristique effectuée autour de Danny. J’aurais même dit que son issue sert de fondation très prometteuse pour enfin épaissir et dynamiser les autres Rayburns… et puis j’ai vu le final et son dérapage soap qui fait tâche, ce qui m’a tout de suite rendu moins confiant pour la suite. En même temps, quand on se fait arnaquer, on tente de ne pas s’y reprendre à deux fois. Mais bon, il y a la plage. Et Coach Taylor.

6/10

3 réflexions sur “Bloodline (Saison 1) – Vilain petit connard

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