La 3ème saison tant attendue de 13 Reasons Why est disponible sur Netflix depuis ce vendredi 23 août et fait relativement débat chez les fans. Le personnage de Bryce est au centre de l’intrigue, nous avons pu rencontrer son interprète, Justin Prentice, lors du 58ème Festival de la télévision de Monte-Carlo.
(L’interview a été réalisée avant le tournage de la saison 3)
Que pouvons-nous attendre de Bryce durant la saison 3 ?
Nous n’avons pas éprouvé de sentiment de justice durant la saison 2. Il y a bien eu quelques moments mais Bryce s’en est trop bien sorti, avec seulement une petite tape sur la main, compte tenu de ses trois petits mois de mise à l’épreuve. J’aimerais en voir davantage dans la saison prochaine.
Quel impact va avoir l’absence de Katherine Langford qui ne revient pas pour cette saison ?
Je ne sais pas. Ce sera intéressant. Je pense qu’il y a encore d’autres histoires à raconter pour ces personnages. La saison deux s’est achevée sur une belle note pour certains, Clay est finalement parvenu à se libérer d’Hannah. La saison 1 reposait sur leurs points de vue successifs et j’ai trouvé intéressant d’avoir une multiplication des perspectives dans la seconde. Cela donne un panorama plus complet de ce qu’il se passe à Liberty High.
Va-t-on en apprendre davantage sur Bryce ?
J’espère. Nous avons eu quelques bribes d’informations en saison 2. On découvre comment est sa vie chez lui, sa relation un peu dissociée avec ses parents qui ne sont jamais là, comment il se retrouve le plus souvent livré à lui-même et s’élève tout seul. Tout un contexte qui favorise peut-être son comportement, sa toxicité avec les femmes et les êtres humains en général. Il n’a personne pour le raisonner. J’ai beaucoup aimé le flash-back en saison 2 où l’on voit Bryce et Justin lorsqu’ils étaient enfants parce que cela illustre que Bryce n’a pas toujours été ce monstre. J’aimerais que la saison 3 explore davantage ces choses.
Est-ce que Bryce est vraiment sincère avec Chloé ou est ce qu’il la manipule ?
Je pense que la réponse se situe entre les deux. Bryce aime l’idée d’avoir une relation normale. Mais à cause de son passé, son mode de pensée, le fait que personne ne le challenge sur ses attitudes et comportements, alors c’est difficile pour lui d’arrêter de reproduire ses habitudes en matière de manipulation et le fait de croire que les autres lui sont inférieurs. Je ne sais pas.
Êtes-vous surpris du phénomène qu’a pris la série ?
Je ne m’y attendais pas. Je savais que sur le papier la série avait toutes ces qualités et j’espérais qu’elle pourrait aider les gens, qu’elle pourrait entrer en résonance avec certains. Mais on ne s’attendait pas à ce qu’elle atteigne un tel niveau.
Pensez-vous que le message a évolué entre les saisons ?
On a étendu les thèmes abordés durant la saison 1, on en a traité de nouveaux la saison suivante. La série est devenue plus profonde avec toutes les intrigues, les personnages et j’espère que la troisième va continuer dans ce sens.
Est-ce que 13 Reasons Why peut avoir des vertus pédagogiques ?
La série peut effectivement aider des adolescents. Nous avons eu des retours très positifs. Beaucoup de gens ont exprimé leur gratitude de voir leur voix révélée en quelque sorte. L’une des grandes réussites de la série c’est de montrer différents angles de ces problèmes. Quand certains pourraient penser qu’un viol ne se déroule que dans une ruelle sombre par un inconnu, la série montre que le plus souvent, les victimes connaissent leur agresseur. L’une des choses que nous recommandons aux parents, c’est de regarder la série avec leurs enfants, parce que cela favorise ensuite le dialogue sur ces sujets sensibles : la dépression, la santé psychologique, le suicide, les agressions sexuelles, le viol, tous ces sujets qui peuvent être difficile et délicat à aborder. Nous espérons que la série va permettre de favoriser le dialogue et briser la glace entre les générations.
On a parfois reproché à la série d’être trop violente…
La violence de certaines scènes offrent une unique perspective dans l’esprit des gens. Il existe d’autres séries qui ne montrent pas suffisamment la gravité de ces situations. Notre série aborde les choses frontalement. Nous ne sommes pas timides et on n’hésite pas à montrer des scènes particulièrement brutales. Cela nous permet de proposer quelque chose de différent que si nous avions simplement détourner les yeux. Spécialement aux États-Unis. La série présente un miroir de la société qui dit : « voici nos problèmes, voici la réalité. Tout ceci doit s’arrêter et ne plus jamais se reproduire. Voilà ce qui arrive, dans toute sa violence, parlons-en et essayons de régler le problème ».
Jouer un tel personnage a fait parfois de vous une cible sur les réseaux sociaux, est-ce que c’est parfois dur à supporter ?
La plupart des gens sont capables de différencier l’acteur du personnage mais certains aiment troller. Ils cherchent de l’attention alors ils prétendent qu’ils ne savent pas faire la distinction. Mais la plupart des retours sont bons, la « fan base » est bienveillante et m’apporte tout leur soutien. Pour un acteur, c’est toujours fun et gratifiant de jouer un personnage qui ne vous ressemble pas. C’est épanouissant. Bien sûr avec Bryce, cela vient avec quelques revers. Mais quelqu’un devait le faire, alors pourquoi pas moi ?
Vous avez directement auditionné pour ce personnage ?
La plupart des actrices et acteurs ont d’abord fait des essais pour les rôles d’Hannah ou de Clay. Pour une raison que j’ignore, mon agent a pensé que le salaud que personne n’aime était un rôle pour moi ! J’ai donc auditionné pour Bryce, ils ont montré mes essais aux exécutifs de Netflix avant de prendre leur décision. Tout le processus a dû durer un mois, un mois et demi maximum.
C’est difficile d’incarner ce type de personnage ?
Jouer Bryce m’a offert une unique possibilité. C’est vraiment un privilège de jouer un tel rôle. Se plonger dans la psychologie, effectuer des recherches, cela m’a permis d’être plus attentif et conscient sur ces sujets. On vit une période tumultueuse aux États-Unis, on voit beaucoup de cas similaires. J’avais beaucoup de sources potentielles à étudier pour explorer le rôle de Bryce. J’ai regardé beaucoup de documentaires, j’ai suivi des affaires judiciaires, j’ai regardé la télévision ou des films, rencontré des psychiatres, des experts. Après il faut assembler toutes ces informations pour avoir une bonne vue d’ensemble et proposer un résultat satisfaisant.
Il y a une part de vous en Bryce ? Comment étiez-vous au lycée ?
J’ai fait toutes mes études à la maison, je n’ai pas fréquenté de lycée pour pouvoir me concentrer sur mon jeu d’acteur. Alors j’étais tout aussi populaire puisqu’étant le seul enfant de ma classe ! Plus jeune, j’étais plutôt studieux. Sportif également au début de ma scolarité puis beaucoup moins par la suite. Donc oui, il y a peut-être quelques fragments de ressemblances entre ma scolarité et celle des personnages.
Quel fut la scène la plus difficile à tourner ?
Définitivement durant la première saison. C’est le personnages le plus sombre et intense que j’ai pu jouer jusqu’à présent. La scène de viol était un territoire inexploré pour moi. J’ai donc fait des recherches puis, on s’est réuni avec les acteurs, les auteurs, les producteurs. Nous sommes une grande famille et nous nous supportons les uns les autres. Le réalisateur nous a expliqué comment il comptait tourner la scène, ce qui allait être montré, ce qui n’allait pas être montré. Nous avons pris beaucoup de temps à discuter, à expliquer les choses pour être certains que tout le monde se sente le plus à l’aise possible. Tout le monde était très à l’écoute, chacun pouvait exprimer son avis, ses sentiments, ce que nous acceptions de faire ou pas. On a tous très bien travaillé ensemble. Enfin Katherine est une formidable partenaire de travail. Elle a instauré un climat de confiance avec moi, ce qui a rendu la scène bien plus facile à tourner.
C’est compliqué de rentrer chez soit après avoir joué un tel personnage ou tourner une telle scène ?
Cela reste un peu avec vous. Il n’y a pas d’interrupteur sur lequel appuyer pour passer entre deux états d’esprit. D’autant plus quand vous travaillez sur des choses très pesantes, très sensibles. Durant les scènes particulièrement intenses, on se réunissait tous après le travail pour faire quelque chose ensemble, histoire de décompresser, retrouver un second souffle. Particulièrement après avoir tourné une scène de viol ou celle dans les toilettes à la fin de la saison 2. Nous nous sommes réunis pour savoir si tout le monde allait bien, émotionnellement surtout. Parfois ça vous hante. Mais on est un formidable groupe de gens et ça rend les choses plus faciles et supportables.
On arrive tout de même à avoir de bons moments sur le tournage ?
Il y en a tellement ! Comme nous sommes parfois de vrais gosses, on s’amuse à faire des blagues et on passe d’excellents moments. Et certaines journées sont plus légères que d’autres, comme durant la scène de Baseball quand nos pantalons sont vraiment trop petits. Nous nous sommes balader toute la journée ainsi et c’était vraiment hilarant.
Vous avez envie de jouer d’autres types de personnages ?
100% oui ! Durant la précédente pause, j’ai tenu un rôle dans la série Preacher. Ce personnage était également un violeur. Alors le prochain personnage que je jouerai sera totalement opposé à ça, du moins j’espère. Et sera aimable ! J’espère qu’on me choisira pour jouer le gentil et qu’on ne me voit pas uniquement comme un vilain désormais.