Festivals/Séries Mania

Exit : Un monde par-delà la morale et l’éthique

Exit se base sur quatre témoignages de pontes norvégiens de la finance. Le but des créateurs Petter Testmann-Koch et Øystein Karlsen ? Dénoncer les dérives des premiers bénéficiaires du capitalisme en étant le plus réaliste possible. Jusqu’où sont-ils allés ? Découvrez le en exclusivité sur Salto !

Exit 2

Exit – NRK – 2019

Synopsis : La vie de quatre hommes ayant réussi dans la finance en Norvège, basés sur les interviews réelles de quatre financiers.

Exit fait partie de ces séries dans lesquelles la réalité dépasse la fiction. Certaines scènes ou déclaration des quatre protagonistes semblent tellement impossibles, qu’une question vient naturellement lors du débat post-projection à Séries Mania : « à quel point avez-vous romancé la réalité ? ». La réponse semble évidente : pour intéresser le spectateur, les traits auront été grossis, les entretiens ayant juste servis de base à l’intrigue. Elle n’en fut que plus surprenante encore : non, il n’y a pas eu besoin d’exagérer les faits, tant ceux-ci sont déjà extrêmes par eux-même. Un des faits les plus marquants tiré des interviews ? Un des protagonistes s’est fait faire une vasectomie après avoir rencontré sa femme, ne lui a rien dit, et fait porter sur elle la faute de ne pas pouvoir avoir d’enfant. Cela dure depuis cinq ans dans la réalité…

La particularité d’Exit est son absence apparente de jugement, du moins dans ces trois premiers épisodes diffusés en première mondiale lors du festival Séries Mania (la diffusion en Norvège étant prévu à l’automne 2019). En fait, la critique du train de vie complètement hors de la réalité du commun des mortels, sans aucune morale, ni éthique, ni considération pour toute personne différente d’eux, est dans le scénario, dans le montage, dans ce que les créateurs ont choisi de montrer. En effet, le succès des quatre personnages principaux réside dans leur capacité à comprendre et maîtriser le système financier. Mais cet aspect est complètement occulté pour se concentrer sur leur vie d’à-côté. On ne s’intéresse donc pas à leurs qualités, mais à ce que le succès a engendré. C’est une vie sans aucune limite, puisque ces personnes peuvent tout s’acheter, même la justice, si tant est que cette dernière se mette sur leur chemin. C’est ainsi que drogues, sexe (évidemment extra-conjugal), soirées de débauche et dépenses folles font leur quotidien. Une anecdote pour qualifier leur égo? Les entretiens ont d’abord été menés, et la chaîne n’ayant pas donné d’immédiate suite à cela, ce sont eux qui ont appelé NRK pour lui dire qu’il serait vraiment intéressant de faire une série sur leur vie ! Rien que ça !

En dehors de cette vie parallèle, ce sont la manière qu’ils ont d’aborder leur vie avec leur femme et parfois leurs enfants. Car c’est véritablement dans ces moments, lorsqu’ils ne sont pas entre eux – et donc nécessairement avec des personnes de moindre valeur, qu’ils se révèlent pleinement. Ce sont des phrases choc (« As-tu pensé au fait que ce pourrait être psychologique ? » demande celui qui s’est fait stériliser à sa femme dont les tests de fertilité sont revenus normaux et qui lui a pris rendez-vous pour voir si le problème ne viendrait pas de lui), des comportements abjects, qui ne mettent pas du tout en valeur ni leurs choix, ni leur manière d’être. La valeur des témoignages à la base de la série, et la confirmation par l’un des créateurs de cette volonté d’être le plus réaliste possible permettent de prendre conscience de la réalité de cette vie souvent fantasmée faute d’information crédible à son sujet. Qu’ont pensé les vrais financiers de leurs avatars fictionnels ? A la lecture du script prêt à tourner, ils ont eu des remarques. Par rapport à leur image donnée par la série ? Les choix des scénaristes ? Oui, mais là encore, ils savent surprendre. En effet, ce qui les ont choqué, ce n’est pas ce qui était montré de leur vie par leur comportement, leurs phrases, leurs attitudes… Non, ce qui était choquant, c’est que leurs personnages utilisaient une American Express Platinum pour payer, alors qu’eux utilisent la Centurion; c’est que la bouteille qu’ils se payaient dans un bar valait dans les 1000$ alors que dans la réalité, ils se payent des bouteilles bien plus chères que ça… On l’aura compris, la série ne leur aura pas permis d’examen de conscience. En même temps, elle n’en avait pas la prétention ; l’espoir peut-être…

En tout cas, les acteurs (Simon J. Berger, Tobias Santelmann, Pal Sverre Hagen et Jon Øigarden) sont parfaits dans leurs rôles, plus détestables les uns que les autres, que ce soit dans les regards, l’attitude, leur comportement, leur côté blasé par rapport à tout ce qui peut arriver.

Dans ce bain de testostérone affichée, un personnage féminin est plus présent que les autres. Étouffée par son mari, des signes montrent cependant un désir de reprendre sa vie en main, avec une volonté de finir ses études, et de voir une psychanalyste, affichant sa conscience de problèmes malgré une vie en apparence parfaite. Alors que la série la présente tout d’abord comme une jeune ingénue, superficielle, l’actrice (Agnes Kittelsen) fait très bien évoluer son jeu qui prend peu à peu de la consistance à mesure que son personnage se complexifie. Là encore, les questions que cette vie pose sont déduis des situations, tout comme la critique du capitalisme à travers le fait que la réussite ne se résume pas au matériel, et le bonheur au fait de pouvoir tout posséder. Le choix de laisser le téléspectateur arriver à ces conclusions, évite l’écueil d’une morale utopiste.

En mettant en lumière sur la base d’histoires vraies la vie de protagonistes de la finance, Exit a le mérite de les présenter dans tous leurs excès. Ce choix permet une critique implicite du système, sans morale déclamée. Le jugement est brut, ce qui rend la série encore plus percutante.

7,5/10

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