Hulu avait besoin d’un hit, le voici. Je ne le dirais pas assez, mais pour un spectateur, la qualité est non seulement au rendez-vous, mais elle est en quantité quasi illimitée. The Handmaid’s Tale va surement être LA série qui va revenir le plus durant les Emmy’s.

The Handmaid’s Tale – Hulu – 2017
Synopsis: Dans un futur dystopique, où le taux de fécondité est anémique, l’humanité s’est réapproprié le rôle des femmes, répartie en trois catégories distinctes : les servantes, les maîtresses de maison et les reproductrices, celles qui sont encore capable d’enfanter.
Hulu rentre enfin dans la cours des grands. Le service de télévision de rattrapage, propriété conjointe de Fox, NBC, ABC et Turner, finit enfin sa mue et compte maintenant parmi les services de télévision incontournable. Pour quelle raison ? Pour 11.22.63 ? Pour The Path ? Pour Casual ? Non, c’est pour The Handmaid’s Tale. Non pas que les séries citées ne soit pas de qualité, mais l’impact de celles-ci auprès du grand public n’est pas aussi grand qu’espéré. Quand Netflix met sur le marché hit sur hit, quand HBO est sur un renouveau artistique évident, ou encore avec le coffre illimité d’Amazon, Hulu se devait d’avoir un hit, une référence, à l’instar d’un Transparent, ou d’un Orange is the New Black. Une caution critique qui par sa place dans la conversation et de son propos, élève automatiquement le diffuseur.
Handmaid’s Tale est de cette trempe la. Et elle nous offre une vision du futur encore plus apocalyptique et déprimante que n’importe quelle série qui nous a été proposée jusqu’à présent (mange toi ça dans les dents The Walking Dead), dans un environnement audiovisuel qui pourtant n’est pas dépourvu et avare dans ce domaine.
Adapté d’un roman de Margaret Atwood datant de 1985, Handmaid’s Tale (ou la Servante Ecarlate en Français) dépeint une société ayant régressée à un conservatisme extrême, suite à une crise de fertilité. Les Etats-Unis sont tombés et ont été remplacés par Gilead, un gouvernement chrétien fondamentaliste qui a fait basculer la société dans l’obscurantisme, où la femme n’est plus qu’un outil pour la survie de l’espèce. En effet, seules certaines femmes sont capables d’enfanter, et deviennent automatiquement des mères porteuses, sujettes à des violences sexuelles ritualisées. On ne peut pas faire plus gai comme histoire.
Et pourtant, la série est un bijou. Un bijou qui ne brille pas forcément en surface mais qui va se révéler être sans équivalent actuellement. Les bienfaits du Peak TV.
L’ambiance feutrée et élégante, virant dans des tons très délavés, va être ponctuée par des situations d’une rares violences à l’écran. Pas graphiquement, mais par ce qu’elle met en scène. Rares sont les séries mettant en son centre le viol et arrivent à être pertinentes. Car ici, c’est bien la violence faites aux femmes dont la série parle. Le patriarcat, la misogynie, le parallèle est frappant entre l’Amérique de Gilead et l’Amérique de Trump. La véritable horreur est rarement plaisante. Ici, on est tout bonnement dégoûté, à la fois par la représentation graphique, mais aussi par le parallèle pas si lointain, où même carrément présent, dans la culture actuelle (surtout aux US).
Et je peux dire que la série remplie son objectif haut la main. Trois épisodes sont disponibles dès à présent, mais il faut s’accrocher car ce n’est pas une série qui se binge. Loin de là. Il ne faut pas être sensible. On a le droit à des scènes de lynchage publique, de torture et de viol. Mais aussi, et surtout, une violence psychologique. En particulier, une scène dans l’épisode deux, incluant une partie de scrabble, qui m’a tout simplement ouvert les yeux quand aux ressentis des femmes face à une potentielle situation d’agression, qu’elle soit physique ou psychologique. C’est une scène édifiante, surtout quant à sa résolution, interprétée et mise en scène de façon magistrale.
La capacité qu’a un récit utopique/de science-fiction à dépeindre la réalité me fascinera toujours autant, et on a la preuve que partant d’un concept à priori tiré par les cheveux, une fiction arrivant autant à décrypter une réalité actuelle est décoiffante.
Elizabeth Moss donne tout bonnement une prestation sacrément puissante de subtilité, sublimée par la caméra qui va aller capter les soubresauts de son visage, ce regard empreint de résilience et de peur. Son personnage, Offred (Of Fred), nous conte son intérieur et s’avère remplis d’humanité face à l’adversité. Elle arrive à incarner une personne vide en surface mais remplis d’envie de se rebeller, de se battre pour regagner sa liberté, et surtout retrouver sa fille, kidnappée. C’est admirable. Elizabeth Moss est un trésor. Le reste du cast n’est pas en reste, offrant à son casting féminin des rôles de choix, avec Alexis Bledel, Yvonne Strahovski ou encore Ann Dowd et bien d’autres. C’est même une chance que d’avoir Joseph Fiennes, car souvent il sait se mettre en retrait, tout en ayant cette capacité a être effrayant.
Ne nous méprenons pas, oui c’est de l’horreur, oui c’est un thriller, mais à son cœur, c’est bien un avertissement sur la perversité de l’oppression sous couvert d’ordre morale et ce qui en découle lorsque la destinée de la femme n’est plus entre leurs propres mains. Et oui, nous sommes en présence d’une série résolument féministe, n’en déplaise à certains.
9/10