Tous Écrans round 2 et une dizaine d’heures de projections au programme. Oui, j’ai vu gros mais faut se dire que ma consommation hebdomadaire récente s’est réduite à moins que ça. Alors oui, je compense. Le menu est monstrueusement appétissant en même temps, Transparent, Sensitive Skin et Olive Kitteridge… Comment ne pas se sentir tel l’égaré du désert découvrant un oasis ? Ou comme un Joey Tribbiani à Thanksgiving ?
Mais avant cela, petit intermède cinématographique avec 10000km, film espagnol de Carlos Marques-Marcet racontant l’histoire d’un couple qui décide de vivre sa relation à distance entre Barcelone et Los Angeles. Parce qu’il n’y a pas que les séries dans la vie, aussi douloureuse que puisse être cette triste vérité. Il y a aussi le cinéma. Alors, mes chers camarades, le mieux à faire pour esquiver les « ouais non mais toi tu regardes que des séries, tu sais pas ce que c’est un bon Tim Burton » (mouarf) lors d’interactions avec ce concept délicieusement fumeux qu’est la société, c’est de leur mentionner un bonne référence à un obscur film catalan du moment. Si c’est serbe ça marchera encore mieux. Alors oui, voilà, 10000km c’était mon acte de rébellion contre la mouvance mainstream du cinéma de « qulitay » qui oppresse les séries. Bon et puis surtout parce que je suis fleur bleue dans l’âme.
Mais autant vous dire que la fleur bleue au fond de vous se retrouve vite réduite en bouillie devant 10000km. Sans parler de votre postérieur et dos, condamnés à subir les joies de la modeste chaise en bois parce que… Oh merde tous le budget du festival est parti dans les luminaires, aller bah ils auront qu’à s’asseoir sur les chaises de la dernière kermesse. Pendant des projo de 2h. Ou 4. Bref, on se prend rapidement d’affection pour le couple de Sergi et Alex grâce à la fabuleuse mise en scène et à la finesse du jeu d’acteur. Dès le magistral plan séquence d’ouverture de 23 minutes, on sait ce qu’il faut savoir d’eux et on est happé dans la relation… Pour mieux souffrir avec eux de l’obstacle de la distance, du manque de communication, des incertitudes sur ce que chacun désire. Le film retranscrit alors très bien la complexité de la vie de couple et la part qu’y jouent tous les outils de communication à disposition et plus particulièrement les nouveaux médias. La prouesse pour moi, c’est aussi d’y arriver avec aussi peu de moyens, de décors et avec simplement 2 acteurs. L’œuvre s’en trouve dépouillée sans être complètement minimaliste mais c’est pour mieux saisir l’essence même du sujet: le lien entre Alex et Sergi. Le rythme est alors, certes, loin d’être des plus rapides mais très personnellement je n’ai plus fait attention au temps à partir d’un moment, tant le film a réussi à me faire m’investir émotionnellement. Coup de cœur pour ce coup au cœur.
En parlant de coups de cœur, Transparent, la sublime création de Jill Soloway (United States of Tara, Six Feet Under), l’est depuis pas mal de temps pour moi maintenant, mais je ne résiste pas à la possibilité de redécouvrir la série sur grand écran.
Le plaisir de faire la rencontre de la famille Pfefferman, de s’immerger dans cette ambiance si particulière, si lumineuse, reste intact. En revanche, qu’on se le dise, le remontage du pilot est laborieux. C’est vrai qu’il faisait sens pour intégrer le recasting d’une actrice au récit mais si c’était pour finir avec quelque chose de brouillon et moins fluide, était-ce vraiment indispensable? Mais une fois que Jeffrey Tambor apparaît à l’écran tous les cafouillages sont oubliés. Les 2 épisodes suivants, aussi en deçà du pilot original soient-ils, rattrapent également la déception du remontage. Du premier au troisième épisode, on reste dans une même logique de coming-out de Maura et de découverte progressive de la famille Pfefferman. Les personnages sont, néanmoins, suffisamment riches et le sens comique de la série, assez aiguisé, pour ne pas avoir l’impression qu’on soit dans une répétition du pilot.
La douceur et la délicatesse de la série ne manque pas de faire effet, rien que dans l’approfondissement du portrait de Maura dont l’expérience de transition est portée à l’écran sans misérabilisme et avec beaucoup d’humanité. C’est ce qui m’a attiré chez la série. Ce qui fait aussi sa force. Cette écriture simple et authentique qui rend justice à l’acte de bravoure qu’est la revendication transgenre. Et elle le fait sans s’épancher en militantisme ou minimiser les difficultés du sentiment de « mauvais corps » et du processus de transition. Transparent est dans un juste milieu, dans le juste équilibre et Jeffrey Tambor est l’équilibriste qui donne magistralement vie à tout ça grâce à son incroyable palette d’acteur et son aura apaisante et sensible qui crédibilise sa féminité en tant que personnage transgenre.
J’enchaîne avec… eh bien vous le saurez au prochain post, parce que True Blood n’a pas le monopole du cliffhanger inutile intempestif.