La série Bates Motel s’est achevée le 17 avril dernier aux Etats-Unis. Retour sur une série qui nous a glacé le sang.

Bates Motel – Universal – 2017
En 2012, la chaîne américaine A&E (en quête alors d’une forte légitimité artistique acquise depuis) lançait le pari fou de s’intéresser à la mythologie d’un des plus grands ‘ vilain ‘ de la littérature et du cinéma américain : Norman Bates. Annoncé à grands renforts de teasers autour de celui qui a été choisi pour moderniser le personnage immortalisé par Anthony Perkins dans le film d’Alfred Hitchcok de 1961 : Freddie Highmore (Arthur et les Minimoys) et autour de celle qui a été choisie pour donner vie au personnage de ‘ Mère/Mother ‘ dont chacun s’est fait sa propre perception depuis le film et le livre dont il est tiré : Vera Farmiga.
La série avait tout pour faire peur aux inconditionnels du film original (passons outre les décevantes suites avec l’acteur principal mais sans la direction du maître du suspense). Elle devait parler à ceux qui aiment le film comme à ceux qui ne l’ont pas vu. Bates Motel se situe dans l’époque actuelle et ses personnages sont donc modernisés. Mais au dessus de tous ces détails de forme, il allait falloir attendre pour arriver à ce que nous avons vu dans la saison 5 : l’épisode ‘ remake ‘ de Psychose.
5 ans, c’est le temps qu’il a fallu pour que le personnage de Norman Bates rencontre enfin celui de Marion Crane. Quel pari pour les showrunners ? Expliquer comment Norman Bates, déjà sacrément siffoné de naissance, va en quelques années tomber dans une schizophrénie telle qu’il en finira par occulter le meurtre de sa propre mère. Il fallait donc que les fans du film original s’arment de patience et adhèrent à la nouvelle mythologie autour du personnage de Norman Bates et que les profanes puissent s’identifier au personnage et à son univers assez bordeline. Pari réussi ! Dès la première saison, les cinéphiles et les critiques tombent sous le charme de l’interprétation de Vera Farmiga en mère (trop) aimante et voient dès le premier épisode les références au classique Hitchcokien. Ne sachant ce qu’ils vont voir au terme de la série ou dans quel univers ils embarquent, les autres (majoritairement constitués d’adolescents ) se laissent charmer par l’univers de cette série sombre, aux multiples sous textes et parfaitement réalisée. L’audience reste à peu près stable au fur et à mesure des 5 saisons qui composent la série, mais l’intrigue s’égare parfois sur des personnages secondaires qui ne sont pas présents dans la mythologie originale.
Dès la fin de la saison 3, les scénaristes recentrent l’intrigue sur les deux personnages principaux : Norman et sa mère Norma. Comment l’amour d’une mère ayant été victime d’abus, et ayant pour aîné le fruit de son union non consentie avec son propre frère (!!!), va donner un trop plein d’affection à son cadet qui va ainsi nouer un lien presque incestueux moralement avec sa mère. La série va donc explorer tous les aspects psychologiques de la relation entre Norman et sa mère et va emmener le spectateur au plus profond de la folie de Norman, quitte à la lui faire comprendre parfois. Preuve en est : on aime toujours Norman au bout de 5 saisons, malgré ses crimes, son matricide… Puisque tous ses actes sont expliqués par sa maladie mentale que l’on comprend petit à petit au fur et à mesure de ces 10 épisodes par saison. C’est là ou la série diffère du classique. Pour Hitchcock, la folie de Norman est révélée en surprise dans le dernier quart d’heure du film, jusque là on pense que ‘ Mère ‘ est responsable de tout (la pauvre est en fait morte depuis 10 ans dans le film). C’est un psychiatre qui dans un long monologue nous explique la folie non consentie de Norman qui parfois devient sa mère. Ce monologue de 10 minutes est expliqué en plus de 40 épisodes dans la série et il devenait évident que le film Psychose serait traité de manière différente dans la série puisque le public, qu’il ait vu le film ou non, a une totale compréhension du personnage de Norman. L’eéisode tant attendu a été diffusé la saison dernière aux Etats-Unis (en France sur 13ème rue) et les fans du film original ont été à la fois gâtés et trompés dans le bon sens du terme. Première surprise, le choix du personnage de Marion Crane, Janet Leigh dans le film original. La production a choisi Rihanna (fan de la série) pour incarner ce personnage mythique. Et quelle bonne idée ! Si différente physiquement et dans la perception collective de Janet Leigh (la blonde assez innocente de Psychose) , les fans du film original ne cherchent donc pas la comparaison puisque le personnage est dans son caractère très différent de l’original, et ceux qui n’ont pas vu le film sont ravis de trouver une guest star de cette envergure pour un rôle qu’ils pensent (jusque là) banal dans la série. On sent que le réalisateur, les showrunners et les scénaristes ont attendu 5 ans ce moment : ils s’amusent avec le public, c’est évident. Les fans d’Hitchcock se délectent, il y a des références toutes les minutes, mais la série ne copie pas, à la grande différence du remake de Gus Van Sant, recréant plan par plan le film original. On parle vraiment de références ici : la mallette d’argent, la voiture, le policier qui doute… Et puis il y a la scène que tout le monde attend, celle que même ceux qui n’ont pas vu Psychose connaisse : la scène de la douche. [ATTENTION SPOILERS] Jusque là, on se dit qu’ils ne peuvent pas ne pas faire référence au film, la scène est trop culte, alors on s’attend à voir ce que l’on a vu dans le film, et ça semble bien parti : Marion se déshabille, Norman la regarde de la pièce d’a côté avec un regard pervers et coquin que lui reprochera sa mère fictive (vous suivez ?) , et puis Norman va dans la chambre et … et … et … Le rideau s’ouvre comme dans le film et …. Comment ? Pas de meurtre? Pas de musique flippante ? GÉNIE ! Les fans du film et les fans de la série s’attendaient TOUS à voir Marion Crane mourir dans d’atroces souffrances couverte du rideau de douche blanc du Bates Motel. Il n’en sera rien. Bien qu’ayant référencé un maximum le film, la scène s’arrête au moment que tout le monde attendait. Les showrunners ont décidé de sauver Marion… mais pas un autre personnage, masculin celui ci. La série nous offre ainsi sa meilleure séquence, le plus bel hommage qu’on ait ou donner au maître du suspense : recréer son plan de la douche PLAN PAR PLAN mais pas avec le personnage concerné. Tout y est : le dernier plan sur l’œil ouvert, les plans saccadés des coups de couteaux, l’ombre derrière le rideau … Ça pour sur : Hitchcock aurait été fier.
Pour ces épisodes de conclusion de la série, tous les personnages sont là, l’ambiance est respectée mais les cartes sont redistribuées. Norman et Marion auront donc encore à partager plus que le repas fait de sandwich du film original. Comme avec Hitchcock, tout est désormais possible… Comment tout cela va t’il se finir ?
La saison 5 de Bates Motel sera disponible en DVD à partir du 3 octobre en France.
8/10
Article rédigé par Kevin Elarbi
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