Après le succès d’House of Lies, qui va entamer sa cinquième saison cette année, Showtime poursuit son exploration du monde de la finance, non plus dans une comédie sarcastique, mais dans un drama. Un sujet complexe par nature, avec des tenants et aboutissants souvent hors de porté du commun des mortels. Comment Billions a géré cela?

Billions – Showtime – 2016
Synopsis : A New York, le procureur général se voit proposer une information compromettant le PDG du plus gros fond d’investissement de la ville. Ayant jusque-là gagné toutes ses batailles juridiques lancées à l’encontre des grands businessmen de la mégalopole, il doit alors jauger de la valeur de ce renseignement pour décider ou non du lancement de la procédure judiciaire correspondante. Le tout en s’assurant de garder sa série de succès parfaite.
On avait déjà abordé le sujet lors de Flesh and Bone : il y a des histoires plus complexes que d’autres à transposer sur le petit écran. Et Billions fait indéniablement partie de ces séries, puisque se passant dans les méandres de la finance. Un sujet abscons pour la plupart d’entre nous, et qui ne trouve aucun substitut concret – contrairement au monde artistique qui peut s’appuyer sur la performance des artistes. Ici, le risque n’est donc évidemment pas visuel, mais plus dans le choix de vulgarisation du propos comme dans la manière de la faire, sans pour autant tomber dans la facilité. Et pour ce faire, on trouve une « équipe » de trois créateurs derrière la série : Brian Koppelman, David Levien et Andrew Ross Sorkin (sans lien de parenté avec Aaron Sorkin).
Vous allez peut être me dire qu’il y a une marge vu la complexité du milieu proposé avant de tomber dans la facilité. Mais cette dernière a plusieurs niveaux, visant tout d’abord la vulgarisation des propos tenus. Là, c’est véritablement difficile car les différents protagonistes du fond d’investissement étant censés être les meilleurs dans leurs domaines respectifs, ils se doivent logiquement de parler comme le feraient leurs homologues du monde réel. La marge est donc restreinte, même si pour pleinement juger des choix des scénaristes, il faudrait une connaissance que je n’ai pas. Ils se parlent vite, en des termes financiers (holding, société écran, OPA, …), mais je laisse aux personnes plus spécialistes que moi juger de la véracité des propos utilisés.
En revanche, il y a un autre domaine, beaucoup plus accessible puisque relié à l’image du grand public sur ce milieu, et d’autant plus tentant vu l’histoire choisie, dans lequel il serait bon de ne pas tomber. C’est bien sur l’opposition entre le financier (peu importe son domaine d’activité), grand méchant de ce monde, qui prend aux pauvres pour se donner à lui-même, et les personnes vivant, elles, dans un soi-disant « monde réel » avec un petit salaire. En gros, la fameuse réduction des « grands » de ce monde contre les « petits ». Image fortement relayée par les médias que ce soit en prenant à partie les actionnaires ou les fonds d’investissement justement, ou par les politiciens voulant toucher les classes à plus faibles revenus. Et la série mettant en scène le procureur général de New York, on se dit que cette vision manichéenne peut être très tentante, histoire de conforter le téléspectateur dans sa vision du monde. Puis on se dit que c’est Showtime, qu’ils ont déjà caricaturé ce monde dans House of Lies via une société de consulting, et que s’ils ont choisit d’en parler dans un drama, ils vont éviter ce raccourci et préférer faire réfléchir les gens. Et de ce point de vue, le résultat pour le pilote est … plus que mitigé. En effet, le procureur – qui possède un impressionnant palmarès de 81 affaires gagnées et aucune perdue – a une ligne de conduite qui vise à s’assurer qu’il ne peut pas perdre avant d’attaquer pour préserver son score parfait, et à être intransigeant sur les sanctions décidées contre les fauteurs. Un procureur intègre, vous me direz que c’est bien. Et je suis d’accord. Le problème réside dans ce qu’il y a en face. Et ne sont présentées que des personnes correspondant parfaitement aux clichés du genre. C’est là que réside le principal point faible de ce pilote. Point faible qui peut aisément être corrigé en fonction du développement choisi pour la saison.
Car le tempo est lent, et après une introduction sur une scène SM plutôt déconcertante, on verra par la suite si c’était justifié, tout se met en place petit à petit et l’histoire se révèle intéressante. La suite sera donc primordiale, et déterminera si la série va gagner en qualité ou au contraire rentrer dans le rang. Les comédiens assurent, que ce soit Paul Giamatti (le procureur général), Damian Lewis (le PDG) qu’on est toujours content de retrouver, ou encore leurs femmes respectives Maggie Siff que les fans de Sons of Anarchy auront reconnu et Malin Akerman, qui après une carrière essentiellement tournée vers la comédie, se montre convaincante dans un drama, dans le peu de temps qui lui est accordé dans cet épisode.
Côté histoire justement, plusieurs arcs sont mis en place, dont la fondamentale et la plus intéressante, à savoir la bataille future entre le procureur Chuck Rhoades et le PDG Bobby Axelrod. Un des choix risqués des scénaristes, mais qui peut s’avérer très bon si bien géré, est le fait d’avoir placé la femme du procureur, psychanalyste, dans la société d’Axelrod. Si les personnages agissent de manière normale – ce qui a l’air d’être le cas au vu du pilote – les différentes problématiques liées directement au sujet principal, vont être très intéressantes à suivre. Une a déjà été amorcée lorsque Wendy, la psychanalyste, croit deviner que son mari va attaquer Axelrod, et tente de se trouver une porte de sortie tout en ne pouvant rien dévoiler de ce qu’elle croit savoir. Le tout face à un Axelrod pas dupe. La femme du personnage incarné par Damian Lewis est, elle, beaucoup plus effacée dans ce pilote, à part une scène de menace pour le coup assez inutile et exagérée, comme pour la caractériser « méchante » et la mettre au même niveau que son mari.
L’histoire principale est intéressante, celle de Wendy aussi, même si toutes deux ne pourront être pleinement jugées qu’à la fin de la saison, leurs développements achevés. Les acteurs sont convaincants dans leurs rôles respectifs, et le tempo lent peut permettre de construire une base solide sur laquelle s’appuyer pour la suite. En revanche, dans ce pilote, la série n’évite malheureusement pas les clichés sur le milieu financier. On espère qu’elle corrigera cela par la suite afin de nous présenter une vision moins manichéenne de ce monde et de ses acteurs, qui trouveront alors plus de profondeur et de complexité et nous permettront même, pourquoi pas, de nous faire réfléchir.
6,5/10