Rencontre avec les actrices de The Bold Type : « Nous avons besoin d’inscrire ces idées en particulier dans la psychée masculine et spécialement pour notre président »
C’est lors du 58ème Festival de la télévision de Monte-Carlo que nous avons pu rencontrer Meghann Fahy (Sutton), Melora Hardin (Jacqueline), Katie Stevens (Jane) et Aisha Dee (Kat), les héroïnes de la série The Bold Type, disponible en France sur Amazon Prime Vidéo.
Quelles sujets aimeriez-vous que vos personnages abordent cette saison ?
Katie Stevens : Mon personnage dans la saison précédente apprenait qu’elle avait le gène BRCA1, ce qui la prédisposait à avoir un cancer du sein ou un autre cancer plus tard dans sa vie. Cette saison va montrer comment ce diagnostic affecte sa vie, ces futures décisions : comment elle souhaite avancer, si elle veut fonder une famille. Sa mère est décédée d’un cancer du sein, donc elle se demande si elle peut prendre le risque d’infliger ça à ses éventuels futurs enfants.
Melora Harding : J’aimerai voir Jacqueline tomber de son piédestal tout en continuant d’évoluer avec ses qualités. J’aimerai qu’elle doive faire face à un grand challenge auquel il est difficile de résister. C’est toujours intéressant de montrer ces gens que vous admirez à la télévision être humain, faire des erreurs et apprendre de ces erreurs.
Suite au mouvement Me Too, était-ce important pour vous d’aborder le sujet dans The Bold Type ? Par exemple avec les nouvelles applications de consentement dans les relations de travail dans la seconde saison.
Meghann Fahy : La romance entre Sutton et Richard est intéressante parce qu’elle montre une relation basée sur un amour et un profond respect mutuel. Leur plus grand obstacle est le fait qu’ils travaillent au même endroit, mais si ce n’était pas une part de l’équation de base, ils ne seraient pas ensemble. Ici, nous avons deux êtres qui tiennent l’un à l’autre, qui veulent être en couple, malheureusement, à cause de la nature de leur environnement de travail, la situation est plus compliquée. Il y a des variables à prendre en compte qui affectent négativement leur relation. Nous voulions aborder ce sujet, les stigmates qui accompagnent les femmes qui débutent une relation amoureuse avec un homme hiérarchiquement plus haut… ou pas d’ailleurs, parce que les mêmes stigmates s’appliquent pour un niveau équivalent. Il y a tellement de femmes qui doivent gérer ce genre de situation, c’était important de pouvoir aborder la question à travers la relation entre Sutton et Richard.
Avez-vous eu des retours des journalistes sur la série ?
Meghann Fahy : C’est surprenant d’avoir autant de retour, spécialement de journalistes presse que nous avons pu rencontrer nous dire que la série montrait le plus souvent ce qui se passait réellement dans les rédactions, avec bien sûr, quelques arrangements avec la réalité pour mieux passer à la télévision.
Melora Harding : Lors d’un déjeuner, nous avons fait un tour de table pendant que nous mangions et il y avait tellement de journalistes qui remerciaient la série de montrer leur monde tel qu’il était. Ils se sentaient enfin vu, il y avait enfin une représentation de qu’ils font. Et il y en avait beaucoup qui souhaitait avoir une directrice comme mon personnage ou qui voulait être un ou une cheffe comme moi. Ils comprenaient aussi comment un chef devrait être et comment être capable de lui parler.
Aisha Dee : Il y a vraiment un dialogue entre les gens des médias et la série, parce que nous prenons nos repères du même monde qu’ils essaient de représenter. Et je pense que nous ne craignons pas leurs éventuelles critiques, au contraire, nous pouvons avoir besoins de leur retour pour nous améliorer. Nous avons eu la chance de voir la série renouvelée pour une seconde saison donc ça nous donne l’occasion d’être encore meilleure que nous l’avons été dans la précédente.
Pouvez-vous nous parler de Cosmo et des magazines de mode ?
Meghann Fahy : Je pense que Cosmo a totalement changé leurs idées motrices et c’est pourquoi nous sommes fiers de les représenter dans la série. Les temps ont changé, aujourd’hui, nous entrons dans une nouvelle vague du féminisme, les titres ne sont plus « comment faire plaisir à votre amoureux » mais plus « comment vous faire plaisir ». Maintenant, tout le monde embrasse l’idée de s’occuper de soi et toutes les façons de s’aimer soi-même, je crois que ça transparaît bien dans la série.
Melora Harding : Regardez comment les marques nous markettent à présent, ou récemment, la campagne publicitaire de Dove qui montrait des modèles « plus size », comment votre corps est beau, tout sorte de corps, de formes, de types où les femmes sont nues sans pour autant que soit dévoilée toute leur anatomie. C’était vraiment une belle campagne, sans maquillage, bien pensé. C’est quelque chose que l’on retrouve de plus en plus dans les magazines, vous voyez des mannequins plus âgées avec leurs cheveux gris et c’est magnifique ! Ces magazines cherchent à être le plus représentatif possible, à montrer davantage une large partie de la société, ce qu’ils ne faisaient pas auparavant.
Katie Stevens : Il y a un épisode durant la saison qui parle de « body positivity », le magazine prépare un numéro sur le sujet. Les auteurs, quand ils commençaient l’écriture, sont venus nous voir et nous ont demandé s’il y avait une partie de notre corps avec laquelle on se sentait mal à l’aise mais qu’on souhaitait montrer pour pouvoir inspirer les autres. Alors nous avons tous choisi des défauts, nous les avons exposés pour mieux prendre le dessus sur eux. Je pense vraiment que la série, en prenant en exemple un magazine comme Cosmo, essaie de faire bouger les choses ; et c’est quelque chose que l’on peut ressentir concernant la presse mode aujourd’hui. Mais nous prêtons beaucoup d’attention au fait de montrer des gens préparés à s’apprécier et à prendre soin d’eux.
A propos du féminisme de la série et d’éventuels retours négatifs ?
Aisha Dee : Je crois que la série est un excellent moyen de faire l’expérience de femmes puissantes mais aussi d’apprendre ce que signifie être féministe pour un homme, car il n’y a pas que les femmes qui peuvent être féministes, les hommes aussi.
Katie Stevens : Ce qu’il y a de génial avec la série, c’est qu’elle montre des hommes bons qui soutiennent les femmes et ne se sentent pas intimidés ou émasculés par leur empowerment. Dans la série, les hommes et les femmes sont traités équitablement. Je crois que le monde évolue sur ce sujet, nous voulons montrer que les femmes dans nos vies ont aussi une voix et qu’elles ont besoin de sentir que cette voix compte. Et c’est ce que la série réussit. C’est merveilleux d’entendre des mères, des pères nous raconter que leurs enfants abordent d’autres sujets de conversations. Leurs filles commencent à sentir ce sentiment d’autonomie quand les garçons réagissent sur leur façon de se comporter avec les femmes et comment ils doivent avancer côte à côte.
Meghann Fahy : Dans la grande partie des cas, nous recevons énormément de retours positifs des personnes qui regardent la série. Vous ne pouvez pas plaire à tout le monde, c’est impossible mais nous prêtons beaucoup de soin et d’attention sur des sujets qui nous importent et nous essayons de raconter cette histoire de la façon la plus juste, c’est très important pour nous. Les retours concernant le féminisme de la série s’avèrent vraiment très positive dans l’ensemble.
Aisha Dee : Même si des personnes réagissaient de façon négative, parce que pour le moment, je n’ai pas vu ou entendu beaucoup de choses particulièrement négatives, j’adore ça, je veux les entendre ! Je ne crains pas les critiques parce qu’elles reflètent une opinion et peuvent servir à nous améliorer. Nous voulons que les gens apprécient la série, qu’ils s’assoient à la fin de leur journée et se disent qu’ils ont hâte de la regarder. L’objectif principal est de leur faire passer un bon moment. Et les seules critiques que j’ai pu lire finissaient toujours par avouer que leurs auteurs adoraient regarder la série. Donc, oui, critiquez, tant que vous continuez à regarder la série, c’est cool !
Melora Harding : L’un des points forts de la série est de toujours offrir de l’équilibre dans les sujets abordés, que ce soit le féminisme ou la possession et le port d’arme à feu dans la seconde saison. La série est exemplaire dans sa faculté à proposer les deux pôles d’une conversation, que vous n’avez pas besoin de haïr une personne avec qui vous n’êtes pas d’accord ; vous n’avez pas à la rabaisser ou la discréditer parce qu’elle ne croit pas à ce que vous croyez. J’adore cet aspect de la série. Elle illustre parfaitement l’équilibre nécessaire dans des débats sur des sujets importants comme l’évolution des rapports homme / femme. Pour moi, c’est important, nous avons besoin d’inscrire ces idées en particulier dans la psychée masculine et spécialement pour notre président.