Gore Verbinski est un réalisateur avec une trajectoire difficile à identifier, de par sa capacité à naviguer entre des projets tous plus différents les uns des autres, à part leurs budgets gargantuesques. Entre le blockbuster d’aventures, le western ou encore une animation, Verbinski revient ici avec A Cure For Life, un film hybride, entre le thriller, le mystère et l’horreur. Un peu un retour au source, après The Ring.

A cure for life – 20th Century Fox – 2017
Synopsis : Mr. Lockhart (Dane DeHaan, fascinant), jeune premier de Wall Street, est envoyé en Suisse avec pour mission de ramener le CEO, parti dans un centre de bien-être situé dans un château pour se ressourcer. Dès son arrivé, il est contraint, après un accident de voiture, à suivre des traitements dans ce même centre dirigé par Henrich Volmer (Jason Isaacs, effrayant, avec un rôle similaire qu’il incarne dans The OA). Remplis de faux semblants, le château va peu à peu révéler ses secrets, dont la présence au milieu des patients grabataires d’une jeune ingénue, Hannah (Mia Goth, fragile et lumineuse). Au centre de son récit se mêle ambition, corruption de l’âme et un sous-texte dénonçant la suprématie blanche.
Je vais le dire tout de suite, j’ai vraiment aimé ce film. Pas tout, mais quel beau projet ! L’esthétique de ce film confirme à nouveau que Verbinski est avant tout un metteur en scène qui aime bichonner ses plans et ses images et qu’il a une imagination débordante. Pour cela, j’aimerais entendre une standing ovation pour son directeur de la photographie, Bojan Bazelli. Dès l’introduction, on est époustouflé par ces buildings de New-York, sous une lumière blafarde, irréaliste, mais d’une beauté à pleurer. Autre localisation sublimé par sa caméra, ce sont les montagnes suisses avec de longs plans permettant vraiment d’apprécier ces massifs montagneux. J’avais envie de faire pause pendant le film et de regarder avec précision chaque recoin de l’écran. L’esthétique produite par Eve Stewart, évoque un mélange de clinique et de technologie dépassée (pas tout à fait steampunk, mais un peu les prémisses), avec tout ce qui peut être angoissant dans des hôpitaux. Elle transforme le château allemand de Hohenzollern ou encore l’hôpital militaire abandonné de Berlin Beelitz-Heilstätten et installe une atmosphère absolument effrayante et étrange, se rapprochant par moment de Shutter Island ou The Shining.

A cure for Life – 20th Century Fox – 2017
Verbinski nous entraîne donc dans ce thriller avec très peu d’éléments auxquels s’accrocher. Mr Lockhart est notre porte d’entrée et on est tout autant désorienté que lui. Le rythme est donc lent, mystérieux. Il construit à travers les déambulations du personnage dans ce château tout un univers avec ses codes, ses règles et ses symboles. Verbinski met à profit ce lieu glauque à souhait. A Cure for Life est un film bourré d’idées de mise en scène, de composition, de mouvement de caméra absolument à tomber par terre, de situations effrayantes ou tendues et on voit que Verbinski est ici gâté avec des moyens colossaux. Un film hyper stylisé comme très peu de film issue des studios de nos jours. Surtout pour un film d’horreur.
Plusieurs reproches peuvent être fait dans le scénario de Justin Hayte qui prend vraiment son temps à dévoiler son mystère (le film dure 147 minutes). Et je dois avouer que le dénouement, malgré qu’il fait sens, je l’ai trouvé décevant. Brillant dans sa mise en scène, car tout se met bien en place, mais décevant plutôt dans son propos. C’est là où le bât blesse. Cela manque de souffle, d’envergure. Parce que l’ambition affichée avec une telle production, avec des moyens dantesques pour une image fascinante, c’est d’arriver à nous terrasser avec une fin coup de poing qui nous laisse sur notre derrière. Non pas que ce qu’elle raconte est inintéressante. Mais on aurait souhaité un peu plus de matière. Mais ne boudons pas notre plaisir car la générosité visuelle compense bien, avec cet aspect gothique, puissant, d’une rare beauté et un final grand guignolesque qui divisera sûrement son public.
Malgré cela, je trouve que ce film est à des années lumière en terme d’ambition que la plupart des blockbuster actuelles. Parce que je pense que ce film est positionné comme tel. Avec un budget généreux dans cette tranche haute des 8 chiffres, il est bien au dessus des films d’horreur Rated R, qui ces dernières années flirtent plutôt avec les 20M$. 20th Century Fox, grâce au succès de Kingsman, et confirmé par Deadpool, a pris la décision de proposer ses grosses productions 2017 vers des films plus adulte et plus mature, en atteste la classification R des films suivants : Alien: Covenant, Logan, Kingsman : The Golden Circle. Est-ce que l’investissement dans ce film permettra à Gore Verbinski de pouvoir banquer et peut-être retourner à son obsession, Bioshock ?
7/10
Article rédigé par S.T. de Stephane Décrypte